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Jean-Claude Dreyfus 

(notice Inserm)

Jean-Claude Dreyfus est né le 4 janvier 1916 à Rouen. Il a mené ses études secondaires au Lycée Corneille à Rouen et au Lycée Carnot à Paris et ses études supérieures à la faculté de médecine de Paris.
Docteur en médecine, docteur ès sciences.
Reçu premier au concours de l'externat des hôpitaux de Paris en 1936, Jean-Claude Dreyfus est nommé interne des hôpitaux de Paris en 1938, juste avant un service militaire qui se termine par la démobilisation, en août 1940. Il mène de front ses fonctions d'interne avec une licence de sciences, à partir de 1941.
En 1942, il est renvoyé de l'internat des hôpitaux de Paris par décret de l'Etat français. Les lois raciales de Vichy l'amènent à se réfugier à Lyon, en novembre 1942, où il est accueilli, avec Georges Schapira, dans le laboratoire du professeur Gabriel Florence. Jean-Claude Dreyfus est arrêté le 28 décembre 1943 à Annecy et déporté à Buchenwald puis à Dora. Il sera libéré par les Anglais en avril 1945, après avoir été transféré au camp de Bergen Belsen. Il revient à Paris en mai 1945.
Après son retour, il fonde, avec Fanny et Georges Schapira, d'abord dans une salle d'opérations désaffectée, puis grâce à Robert Debré, dans les sous-sols de la clinique médicale infantile, le premier laboratoire de médecine moléculaire en France.
Durant l'année 1953, Jean-Claude Dreyfus travaille à l'université de Saint Louis, Missouri, aux Etats-Unis, dans le laboratoire de Carl et Gerty Cori, qui avaient reçu le prix Nobel de médecine en 1947 pour leur découverte du processus de conversion catalytique du glycogène.
Jean-Claude Dreyfus est nommé professeur agrégé de biochimie médicale en 1953.
Le laboratoire de Georges Schapira et Jean-Claude Dreyfus devient, en 1960, l'unité de recherche 15 de l'Institut national d'hygiène (INH) « Biochimie médicale », puis en 1964, l'unité 15 de l'Inserm « Pathologie moléculaire ».
Il est nommé professeur à la faculté de médecine Cochin-Port Royal en 1964.
En 1968, l'Institut de pathologie moléculaire, fondé grâce au soutien de Robert Debré et de Jacques Monod, prend place dans les nouveaux locaux universitaires de la faculté de médecine Cochin Port-Royal, regroupant l'unité 15 de l'Inserm et le laboratoire 85 du CNRS. Le développement de l'Institut justifie, en 1974, sa division en trois unités de l'Inserm. Jean-Claude Dreyfus prend alors la direction de l'unité Inserm 129 « Enzymologie pathologique » jusqu'à sa retraite, en 1984, date à laquelle Axel Kahn prend sa succession.
Jean-Claude Dreyfus est l'un des fondateurs de la revue médecine-science en 1985. Il en fut également un infatigable et brillant rédacteur.
Jean-Claude Dreyfus est décédé le 10 mai 1995.

Instances scientifiques

Membre de la commission scientifique spécialisée de l'Inserm « Génétique, immunologie et pathologie moléculaire » (1964-1967), du conseil scientifique de l'Inserm (1970-1974).
Membre du comité de biologie moléculaire de la Délégation générale à la recherche scientifique et technologique - DGRST (1963-1967) et du conseil scientifique de l'Association française contre les myopathies (AFM) dans les années 1980.
Président d'honneur de l'association Vaincre les maladies lysosomiales.

Travaux scientifiques

Scientifique de tout premier plan, Jean-Claude Dreyfus fut, avec Georges Schapira, le cofondateur de la pathologie moléculaire en France. Biochimiste et généticien parmi les plus novateurs de sa génération, Jean-Claude Dreyfus s'est consacré, notamment, aux maladies génétiques de l'enfant associées à des troubles musculaires et à des anomalies du métabolisme. Il a perçu très tôt que les méthodes issues du génie génétique allaient permettre d'en identifier directement les mutations géniques responsables.
Les premiers travaux de Jean-Claude Dreyfus, menés en collaboration avec Georges et Fanny Schapira, ont porté sur le métabolisme du fer et les maladies musculaires, myopathies et atrophies neurogènes, avec deux découvertes de grande importance : l'élévation de l'activité d'enzymes glycolytiques musculaires dans le sérum des myopathes et de femmes porteuses et la résurgence d'isoenzymes fœtales dans le muscle myopathe. Ses travaux sur l'hémochromatose ont permis de préciser la transmission héréditaire de cette affection et de développer de nouveaux tests diagnostiques. Il a également étudié la biosynthèse de l'hémoglobine avec Jacques Kruh et fait d'importantes observations sur les maladies moléculaires de l'hémoglobine avec défaut qualitatif ou quantitatif (sujet qui sera poursuivi par Dominique Labie et Jean Rosa). Avec Fanny Schapira et Yves Nordmann, Jean-Claude Dreyfus a découvert les résurgences d'isoenzymes fœtales dans le cancer, progrès considérable qui attire, pour la première fois, l'attention sur les relations entre le programme génétique de différenciation et la cancérisation. Bien plus tard, ce type d'analyse sera appliqué à l'étude du vieillissement.
L'essentiel de l'œuvre scientifique de Jean-Claude Dreyfus a été consacré aux maladies enzymatiques héréditaires. Son activité dans ce domaine recouvre les glycogénoses, les maladies lysosomiales, les déficits enzymatiques érythrocytaires et, avec Fanny Schapira, les affections du métabolisme du fructose et du galactose.
Avec Georges et Fanny Schapira, il a introduit en France une grande partie des techniques enzymatiques utilisées en biochimie clinique et créé, en 1973, le premier laboratoire français de détection prénatale des maladies métaboliques, aidé en cela par Joëlle et André Boué et par Yves Dumez, pionnier des techniques de prélèvement de tissu fœtoplacentaire en France.
Sur le plan théorique, Jean-Claude Dreyfus a analysé, dès 1968 et avec une étonnante lucidité, les conditions de l'application aux maladies génétiques humaines des concepts de la génétique bactérienne définis en 1961 par François Jacob et Jacques Monod.

Sélection d'articles

- Dreyfus JC, Schapira G, Kruh J. Fractionation of erythrocytes according to age. Centrifugation of erythrocytes labelled by radioiron. C R Seances Soc Biol Fil 144: 792-4, 1950
- Dreyfus JC, Schapira G. Research on the biochemistry of muscle iron. IX. Metabolism of muscle iron during muscular atrophy produced by nerve section ; study by means of radioiron. Bull Soc Chim Biol (Paris) 34: 518-21, 1952.
- Dreyfus JC, Schapira G, Schapira F. Biochemical study of muscle in progressive muscular dystrophy. J Clin Invest 33: 794-7, 1954.
- Dreyfus JC, Schapira G, Schapira F. Serum enzymes in the physiopathology of muscle. Ann N Y Acad Sci 75: 235-49, 1958.
- Kruh J, Dreyfus JC, Schapira G, Gey Go Jr. Abnormalities of muscle protein metabolism in mice with muscular dystrophy. J Clin Invest 39: 1180-4, 1960.
- Schapira F, Dreyfus JC. Serum creatine kinase in myopathic mice. Enzymol Biol Clin (Basel) 79: 53-7, 1963.
- Dreyfus JC, Schapira F, Demos J, Rosa R, Schapira G. The value of serum enzyme determinations in the identification of dystrophic carriers. Ann N Y Acad Sci 138: 304-14, 1966.
- Schapira G, Padieu P, Maleknia N, Kruh J, Dreyfus JC. Genetic information carried by a soluble fraction of reticulocytes and translated into specific protein on ribosomes from another species. J Mol Biol 20: 427-46, 1966.
- Dreyfus JC. The application of bacterial genetics to the study of human genetic abnormalities. In Steinberg A, Bearn AG, eds. Progress in medical genetics. New York : Grune and Stratton New-York, 1969 : 169-200.
- Dreyfus JC. Molecular bases of genetic enzyme diseases. Biochimie 54: 559-71, 1972.
- Dreyfus JC, Poenaru L, Svennerholm L. Absence of hexosaminidase A and B in a normal adult. N Engl J Med 292: 61-3, 1975.
- Kahn A, Bertrand O, Cottreau D, Boivin P, Dreyfus JC. Studies on the nature of different molecular forms of glucose-6-phosphate dehydrogenase purified from human leukocytes. Biochim Biophys Acta 445: 537-48, 1976.
- Dreyfus JC, Poenaru L, Vibert M, Ravise N, Boue J. Characterization of a variant of beta-hexosaminidase: "hexosaminidase Paris". Am J Hum Genet 29: 287-93, 1977.
- Skala H, Dreyfus JC, Vives-Corrons JL, Matsumoto F, Beutler E. Triose phosphate isomerase deficiency. Biochem Med 18: 226-34, 1977.
- Kahn A, Meienhofer MC, Cottreau D, Lagrange JL, Dreyfus JC. Phosphofructokinase (PFK) isozymes in man. I. Studies of adult human tissues. Hum Genet 48: 93-108, 1979.
- Poenaru L, Miranda C, Dreyfus JC. Residual mannosidase activity in human mannosidosis: characterization of the mutant enzyme. Am J Hum Genet 32: 354-63, 1980.
- Daegelen-Proux D, Kahn A, Marie J, Dreyfus JC. Research on molecular mechanisms of McArdle's disease (muscle glycogen phosphorylase deficiency). Use of new protein mapping and immunological techniques. Ann Hum Genet 45: 113-20, 1981.
- Marie J, Simon MP, Dreyfus JC, Kahn A. One gene, but two messenger RNAs encode liver L and red cell L' pyruvate kinase subunits. Nature 1981 292: 70-2.
- Daegelen D, Munnich A, Levin MJ, Girault A, Goasguen J, Kahn A, Dreyfus JC. Absence of functional messenger RNA for glycogen phosphorylase in the muscle of two patients with McArdle's disease. Ann Hum Genet 47: 107-15, 1983.
- Simon MP, Besmond C, Cottreau D, Weber A, Chaumet-Riffaud P, Dreyfus JC, Trepat JS, Marie J, Kahn A. Molecular cloning of cDNA for rat L-type pyruvate kinase and aldolase B. J Biol Chem 258: 14576-84, 1983.
- Gregori C, Besmond C, Odievre M, Kahn A, Dreyfus JC. DNA analysis in patients with hereditary fructose intolerance. Ann Hum Genet 48:291-6, 1984.
- Dreyfus JC, Kahn A. Red cell enzymopathies: molecular mechanisms. Clin Biochem 17: 331-40, 1984.
- Dreyfus JC, Schapira G. Méthodes de recherches actuelles et perspectives dans les maladies neuromusculaires. Soins 471: 9-10, 1986.
- Gautron S, Daegelen D, Mennecier F, Dubocq D, Kahn A, Dreyfus JC. Molecular mechanisms of McArdle's disease (muscle glycogen phosphorylase deficiency). RNA and DNA analysis. J Clin Invest 79: 275-81, 1987.

Ouvrages scientifiques

- Dreyfus JC, Schapira G. Le fer. L'expansion scientifique, Paris, 1958.
- Dreyfus JC, Schapira G. Biochemistry of hereditary myopathies. Charles C Thomas, Springfield, IIl, USA, 1962.
- Schapira G, Dreyfus JC. Pathologie moléculaire. Masson, Paris, 1975.

Autre ouvrage

- Dreyfus JC. Souvenirs lointains de Buchenwald et de Dora, 1943-1945. Préface d'Axel Kahn. Post face de Martine Dreyfus. La cause des livres, Paris, février 2009.
- Dreyfus JC. Le médecin juif errant, 1940-1943. Préface de Denis Peschanski. La cause des livres, Paris, février 2009.

Hommage à Jean-Claude Dreyfus par le pr. J.-C. Kaplan
Comptes Rendus de la Société de biologie 1995, 189, 489-491

Jean-Claude Dreyfus nous a quittés subitement le 10 mai 1995. Avec Georges et Fanny Schapira, et avec Jacques Kruh, lui-même disparu il y a quelques semaines, il avait fondé la prestigieuse école française de pathologie moléculaire, qui a préfiguré la médecine moléculaire d'aujourd'hui.
Né en 1916 à Rouen, externe des hôpitaux de Paris en 1936, nommé interne des hôpitaux de Paris en 1938 dès son premier concours, il commença son internat, de pair avec une licence de sciences, après sa démobilisation en août 1940. Il se réfugia ensuite en zone sud, où il rencontrait à Lyon Georges Schapira, son aîné de cinq ans. Tous deux avaient été accueillis par le professeur Gabriel Florence, grand biochimiste et grand résistant, qui devaient mourir assassiné par les nazis. Jean-Claude Dreyfus fut arrêté en décembre 1943, puis déporté à Buchenwald, heureusement sous une identité d'emprunt, ce qui lui épargna le statut de Juif. De son expérience des camps, il ne parlait que très rarement, et avec une pudeur et une élévation qui en disaient long sur l'homme et sur l'épreuve subie.
De retour à Paris, en mai 1945, il reprit le cours de sa double formation médicale et scientifique, couronnée par les deux doctorats. Dans les vétustes laboratoires du pavillon Archambault de l'hôpital des Enfants malades, il retrouvait Georges Schapira qui, avec son épouse Fanny et très encouragé par Robert Debré, commençait à appliquer les outils et les concepts de la biochimie moderne à l'étude des maladies. Bientôt rejoint par Jacques Kruh, le groupe forma le noyau initial qui devait exercer un remarquable rayonnement sur la biochimie médicale française, par la nouveauté de son approche - déjà la biologie moléculaire appliquée à la médecine-, par la qualité de sa production, par le réseau de ses collaborations en France et à l'étranger, par le nombre et la qualité de ses élèves. Entre les quatre protagonistes, l'harmonie scientifique et intellectuelle était exemplaire, peut-être explicable par des caractères et des personnalités très dissemblables, mais dont les qualités étaient profondément complémentaires. Pendant 40 ans, le groupe resta soudé, résistant à l'usure du temps et aux promotions. Jean-Claude Dreyfus fut d'abord nommé agrégé de biochimie à Dijon, puis à Paris, où il devait figurer parmi les premiers professeurs de biochimie intégrés dans le nouveau statut hospitalo-universitaire voulu par Robert Debré. Ce faisant, il demeurait toujours aux côtés de Georges Schapira, d'abord dans les 300 m² du sous-sol de la clinique médicale de l'hôpital des Enfants malades, puis dans les spacieux locaux du CHU Cochin où l'ensemble de l'équipe emménagea au début de l'année 1968. C'est là que se développa le prestigieux Institut de pathologie moléculaire comportant l'unité 15 de I'Inserm, associée au CNRS et appuyée sur les activités hospitalières et universitaires. A partir de 1974, Jean-Claude Dreyfus prenait la direction de la nouvelle unité Inserm 129 (enzymologie pathologique) née de l'unité 15 par scissiparité.
L'oeuvre scientifique de Jean-Claude Dreyfus est considérable et marquée par le souci permanent de comprendre les mécanismes moléculaires des maladies. Ses premiers travaux ont porté sur le métabolisme du fer et sur les maladies musculaires. Dans les années 1950, dominées par l'avènement de l'enzymologie médicale, Jean-Claude Dreyfus, fut, avec les Schapira, à l'origine d'une découverte majeure : l'élévation des enzymes glycolytiques (aldolase, lactico-déshydrogénase) et de la créatine-kinase dans les processus myopathiques, en particulier chez les garçons atteints de myopathie de Duchenne et chez les femmes transmettrices. L'intérêt de Jean-Claude Dreyfus pour les enzymes, jamais démenti tout au long de sa carrière, est sans doute à mettre au compte du séjour qu'il effectua aux États-Unis dans le laboratoire de Cari et Gerty Cori à l'université de Saint Louis. Jean-Claude Dreyfus, très souvent associé aux Schapira, s'est aussi intéressé à l'hémochromatose, aux modifications des profils iso-enzymatiques dans le cancer, aux mécanismes moléculaires des thalassémies, au vieillissement. Les enzymopathies héréditaires constituèrent enfin son centre d'intérêt principal: enzymopathies érythrocytaires, glycogénoses, et surtout maladies lysosomales, dont il initia l'étude moléculaire en France et mit en oeuvre le diagnostic prénatal par analyse enzymatique des cellules foetales. Tout au long de son oeuvre scientifique Jean-Claude Dreyfus s'est singularisé par une remarquable aptitude à pressentir ce qui allait être réellement important dans le décryptage des mécanismes moléculaires des maladies, une approche encore dans l'enfance. On peut dire, sans exagération, qu'il est le père co-fondateur, avec son ami et alter ego Georges Schapira, de l'école française de génétique moléculaire.
Fait remarquable, ayant pris sa retraite en 1984, il était resté très proche de la grande révolution que vit la génétique moléculaire. Sa mémoire prodigieuse et son étonnante capacité à assimiler les découvertes les plus récentes trouvèrent tout naturellement à s'employer au service du de la revue Médecine Sciences, fondée et animée par Axel Kahn, son dernier élève et légataire scientifique, auquel il était attaché par une relation privilégiée. Jusqu'au bout, Jean-Claude Dreyfus fut la cheville ouvrière du journal, qu'il alimentait régulièrement par de nombreuses chroniques où s'exerçait sa merveilleuse capacité de synthèse, et un réel talent stylistique.
II laisse le souvenir d'un homme et d'un scientifique d'une exceptionnelle qualité. Malgré la très grande réserve qu'il manifestait en toute occasion et son peu d'attrait pour le tapage médiatique, il a exercé une influence considérable sur sa génération et sur les générations suivantes. Colette, sa vaillante épouse, ses enfants, ses amis, ses nombreux disciples peuvent être assurés que le souvenir de Claude, comme l'appelaient ses intimes, n'est pas près de s'effacer.