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Entretien avec Serge Braun

27 janvier 2011, amendé le 12 septembre 2012 par l'intéressé - L. Esterle, J.-F. Picard (script A. Lévy-Viet)
(Source : https://histrecmed.fr/temoignages-et-biographies/temoignages)

Braun

Voir aussi : 'Téléthon, quoi de neuf pour la recherche?' Doctissimo, nov. 2013 et 'Le programme génome humain et la médecine, une histoire française'

'Transgène', première société de biotechnologies dans ce pays
Après mon doctorat en pharmacologie, j’ai fait de la recherche sur les maladies neuromusculaires pendant dix ans en milieu universitaire à Strasbourg, puis aux Etats-Unis où j’ai effectué mon postdoc grâce à une bourse de l’AFM (1986). Mais ma formation en pharmacologie ne me prédestinait ni à la thérapie génique, ni à la biologie moléculaire. Mon passage de la chimie à la génomique s’est opéré avec mon entrée chez 'Transgène'. Cette société française de biotechnologies avait été créée en 1979 à Strasbourg par Pierre Chambon et Philippe Kourilsky. Initialement, il s’agissait d'une société spécialisée en biologie moléculaire qui travaillait sur contrats. Forte de sa proximité avec l’Institut de génétique et de biologie moléculaire (IGBMC) de Chambon, notamment en termes de personnel, ‘Transgène’ a été pionnière dans de nombreux domaines comme les protéines recombinantes, les souris transgéniques, etc. Puis, en 1992, lorsque la famille Mérieux en a pris le contrôle, la société a effectué le virage vers la thérapie génique en prenant ses distances avec l’IGBMC et elle a développé un partenariat avec l’AFM. J’y suis entré en 1995, alors que son directeur était Bernard Gilly, pour travailler sur un programme de thérapie génique portant la myopathie de Duchenne. J’y suis resté dix ans en y assurant la fonction de directeur de la recherche les quatre dernières années. L’une des réussites de Transgène est un vaccin oral en médecine vétérinaire qui a permis l’éradication de la rage chez les animaux sauvages en Europe de l’Ouest. Il s’agit du virus de la vaccine responsable de la variole, modifié génétiquement et portant un gène d’une protéine d’enveloppe de la rage. Il est introduit dans des appâts déversés par avion ou hélicoptère dans la nature pour être ingérés par les animaux. La rage vient des pays de l’Est, mais grâce à grâce à ce vaccin obtenu par manipulation génétique, il a pu être officiellement éradiqué en France en 2001. Si un animal non-vacciné franchit la frontière, il va manger les appâts et il se vaccinera lui-même. C’est de la thérapie génique sans en avoir le nom. Parallèlement, en 1996 avec quelques partenaires, j’ai participé à la création de la société Neurofit, une entreprise de services, spécialisée dans l’évaluation de molécules sur le système nerveux périphérique. Plus tard, nous avons vendu ‘Neurofit’ à ‘Neuro 3D’ qui l’a elle-même cédée à une société australienne. Nous sommes alors sortis du capital, un événement qui a coïncidé avec mon intégration à l’AFM dont je suis devenu le directeur scientifique en 2005 succédant à Marianne Minkowski, François Leterrier, Philippe Chaumet-Riffaud. 


De l’AFM et du Généthon…
Généthon a été créée à Evry en 1990 par l’AFM, comme le premier noyau d’un futur Génopole. En effet, lorsque l’Association s’y est installée, le site d’Evry était un désert. Sur place, il y avait juste une société de biotechnologie, ‘Genset’. L’AFM a donc acquis les bâtiments d’une ancienne société d’informatique où on a installé le ‘Généthon’, c’est-à-dire le premier ensemble de laboratoires au monde destiné à robotiser le criblage du génome humain. Daniel Cohen, qui venait du laboratoire de Jean Dausset, avait convaincu Bernard Barataud de l’intérêt d’automatiser l’utilisation de sondes ADN pour baliser le génome. Ce travail mené par Jean Weissenbach et par Daniel Cohen a abouti aux cartes publiées à partir de 1992, suivies les années suivantes d’une série de publications améliorant la pertinence des cartes. Le résultat le plus significatif du Généthon, ce sont ces sondes d’ADN qui ont permis de baliser le génome. Ces sondes sont encore utilisées aujourd’hui dans les laboratoires du monde entier. Elles ont permis une accélération foudroyante de la découverte des gènes en facilitant le découpage de l’ADN afin de séquencer le génome et ces travaux de Généthon a longtemps donné lieu aux publications scientifiques les plus citées dans le monde. Elles ont valu à Jean Weissenbach de recevoir la médaille d’or du CNRS en 2008. Le nombre de gènes identifiés au cours des années a connu une croissance exponentielle et aujourd’hui, on connaît plus de la moitié (à peu près trois mille cinq cents) des gènes qui sont à l’origine de maladies génétiques. Cependant, la poursuite du criblage du génome n’entrait pas les fonctions de l’AFM dont l’objectif était de trouver des traitements pour ces maladies. L’AFM impulse puis transfert à d’autres le programme pérennisé Les robots ont donc été transférés à l’Etat qui a créé le Centre National de Génotypage (CNG) et le Centre National de Séquençage (CNS-Génoscope) dont Jean Weissenbach s’est vu confier la direction.


…Au Génopole et au Génoscope
Avec le Génopole d’Evry, l’idée était de créer un pôle centré sur les applications de la génétique avec des fonds de l’Etat et des collectivités locales et d’attirer des chercheurs et des jeunes sociétés de biotechnologies. C’est ainsi qu’en 1997 le Génopole s’est construit autour et avec le soutien de l’AFM. Aujourd’hui, il représente 70 entreprises de biotechnologies et 2 300 emplois directs, plusieurs laboratoires Inserm/CNRS, etc. C’est un bioparc technologique et de recherche translationnelle allant de la recherche la plus fondamentale au lit du malade. L’ensemble résultant d’une initiative AFM et je signale en passant que le nom de ‘Génopole’ constitue une de ses marques déposées. Même si l’histoire n'est pas un long fleuve tranquille, il reste que l’AFM ayant transmis ses compétences et ses outils à la communauté scientifique, il était logique que celle-ci s’en empare. Mais j’ajoute que c’était là aussi un cas exemplaire de la stratégie de l’intérêt général adoptée par l’Association. Une fois les outils mis au point, d’autres ont pu s’en emparer et Généthon s’est recentré sur sa mission première la recherche de traitements des maladies génétiques (en l’occurrence, par thérapie génique). En fait, l’Etat aurait dû poursuivre avec force la mission d’identification des gènes humains, mais l’orientation a comme l’on sait été différente. Le Génoscope est parti par exemple sur les génomes de bactéries. Même si cette évolution stratégique a pu nous décevoir, le Génoscope s’intéresse davantage aujourd’hui au génome humain sur lequel il y a encore énormément de choses à apprendre. Il ne suffit pas de séquencer pour comprendre son fonctionnement ; c’est beaucoup plus compliqué, il y a des ‘gènes poubelle’, des séquences de gènes qu’on pensait ne servir à rien, mais qui ont en fait un rôle important, il y a des phénomènes de régulation, … On commence à mieux comprendre comment le génome humain qui ne compte que quelque 25 000 gènes peut fabriquer un million de protéines, et ce, de manière différenciée d’un tissu à l’autre et à des temps bien cadencés. Par ailleurs, la technologie a évolué à une vitesse incroyable. On dispose maintenant de séquenceurs ultra haut débit qui permettent de séquencer le génome humain très rapidement pour moins de 1000 $, ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche comme pour les applications. Cette technologie progresse encore plus vite que les capacités de mémoire des puces informatiques.


Généthon 3 et la ‘grande tentative’
La grande tentative date de 1998 lorsque l’AFM a fait venir des chercheurs comme Olivier Danos pour mettre au point des vecteurs génétiques. Il s’agit de molécules d'ADN qui permettent la propagation de séquences intéressantes dans un génome donc d’envisager de la thérapie génique. La plupart de ces vecteurs sont des dérivés de virus parmi lesquels, la tâche du Généthon a consisté à chercher les meilleurs ou les plus adaptés à l’usage thérapeutique. Au final, on en a retenu deux principales familles, chacune avec ses spécificités : l’AAV (Adeno associated virus), un petit virus qui ne provoque pas de maladie humaine, mais est très efficace pour pénétrer dans les cellules hôtes et dont le Généthon maîtrise différentes souches ; le HIV (Human immunodeficiency virus), un lentivirus (de type du virus du sida mais dont les gènes nocifs ont été retirés) capable de s’intègrer dans le génome humain. Les applications sont vastes, maladies neuromusculaires, maladies du sang, immunodéficiences, maladies de la peau, du foie, de la rétine, du cerveau…. Souvent, ces vecteurs sont développés soit en amont, soit en partenariat avec les demandeurs moyennant une convention pour la recherche appliquée. Le plus souvent le partenariat véhicule des perspectives de co-développement, mais il n’y a aucun but lucratif dans ce que l’on fait. Le retour financier éventuel est réintroduit dans la recherche. On se situe dans une logique pré-industrielle voire même industrielle. Cette évolution a amené progressivement (et parfois brutalement) à des changements d’hommes et de qualifications. On parle aujourd’hui de production à grande échelle pour des produits administrables à l’homme et inscrite dans un processus industriel. Là, on change de catégorie, ce n’est plus de la recherche de paillasse, c’est un autre métier nécessitant de nouvelles compétences.


Les essais cliniques
La recherche fondamentale garde une place importante à l’AFM car quand on s’intéresse aux maladies génétiques, il ne suffit pas de connaître les gènes responsables, il faut comprendre le fonctionnement du génome et les mécanismes biologiques qui conduisent à la maladie. On peut d’ailleurs parfois se passer de la connaissance des gènes pour imaginer des thérapeutiques. Aujourd’hui, que ce soit en termes de financement ou d’essais cliniques, la thérapie génique ne représente que 40% de notre activité à côté des essais de pharmacologie et des thérapies cellulaires (greffes de cellules, etc.). Donc nous ne sommes pas axés uniquement sur la thérapie génique, malgré un reproche que l’on nous fait souvent. Par ailleurs cette nouvelle médecine à naître commence à être reconnue (ce que l’on appelle les autorisations de mise sur la marché). Il y a actuellement beaucoup d’essais cliniques finaux (dits de phase 3) pour des maladies rares. C’est le cas en particulier de l’hyperlipidémie familiale (l’Agence Européenne vient juste de donner son feu vert) et pour une immunodéficience, une forme de maladie des bébés bulles (que nous avons contribué à développer). Il y a aussi dans le monde des essais de phases 3 pour des maladies cardiovasculaires avec des gènes qui favorisent la formation de nouveaux vaisseaux sanguins pour traiter l’infarctus ou éviter la gangrène des membres inférieurs consécutive au diabète. Certains vaccins anti-cancéreux issus de la recherche en thérapie génique sont également en phase 3. En fait, les applications qui sont arrivées le plus rapidement sont celles pour lesquelles on se contente de traiter localement, ce qui est le cas par exemple avec les vaccins. Traiter un organisme entier de manière définitive est beaucoup plus compliqué que de traiter une petite partie de cet organisme pendant peu de temps. On peut donc traiter des tumeurs ou des cellules qu’on va ensuite réimplanter. On sait administrer efficacement des gènes dans un œil avec des vecteurs dont l’effet peut être très prolongé. Des avancées sont ainsi fulgurantes dans les maladies rares de la vision. On constate que des patients peuvent retrouver de l’acuité visuelle ou la conserver. Des acteurs majeurs de ce domaine sont soutenus par l’AFM, parmi eux José-Alain Sahel à l’Institut de la vision ou Fabienne Rolling et Philippe Moullier à Nantes nouveau bras armé de l’AFM au même titre que Généthon. Mais, si les obstacles du traitement de l’ensemble de l’organisme sont plus difficiles à franchir et nécessitent davantage de temps (comme cela a été le cas pour bien d’autres médecines nouvelles), les progrès sont tangibles. Les premiers essais de thérapie génique par voie systémique commencent à voir le jour. Ainsi, les premières mises sur la marché en thérapie génique surviennent moins de 25 ans après les tout premiers essais, somme toute une évolution historique similaire aux autres classes thérapeutiques de rupture telles que les transfusions sanguines, les greffes d’organe, les anticorps monoclonaux). 


Les carences de la recherche publique
Dans notre pays, la biologie est en triste position parce que nos gouvernants se sont fixés d’autres priorités que les sciences de la vie, comme l’aérospatiale, le nucléaire, etc. Nous sommes un pays d’ingénieurs, pas de découvreurs. Nos énarques et beaucoup de nos polytechniciens ne connaissent malheureusement rien à la biologie. Même les sociétés d’investissements – que je connais bien pour en avoir côtoyé un certain nombre – n’y comprennent pas grand-chose. Le domaine leur fait peur. En définitive, les pouvoirs publics se désengagent d’autant plus facilement de ces affaires que des fonds existent du côté des associations et de certaines fondations. Donc on laisse faire, tout comme l’industrie pharmaceutique où on laisse les associations prendre les risques, en attendant de cueillir les fruits bien mûrs. Lorsqu’une avancée majeure et obtenue, on oublie souvent le rôle joué par les associations. A l’inverse on pointe du doigt les plus visibles pour donner un écho à quelque polémique (par exemple la recherche sur les les cellules souches qui concerne autant l'Inserm que l’AFM). En en vient même à reprocher à l’AFM de trop influencer la recherche parce qu’elle y consacre 60 M€. Mais ce soutien aux EPST devrait être salué à la mesure de sa hauteur et interroger les décideurs sur le peu de moyens qu’ils consacrent à la recherche française. A titre comparatif, le budget de l’Inserm est de 600 M€, celui dus NIH américain atteint 25 milliards US$. Les biotechnologies sont stratégiques pour les Etats-Unis, et on y crée toutes proportions gardées, 10 fois plus d’emplois dans ce secteur.

Les relations avec l’industrie
En matière de biothérapies innovante, l’industrie pharmaceutique est restée longtemps en retrait du fait de leur complexité et des risques d’échec. Comme ce fut la cas pour les monoclonaux par exemple, elle attend que les choses mûrissent avant de se lancer. Des sociétés de biotechnologies ont essayé de développer la thérapie génique, mais nombre d’entre elles ont disparu prématurément par manque de moyens. 'Transgène' est l’une des rares à avoir tenu grâce au soutien de la famille Mérieux. Christophe, le fils d’Alain Mérieux avait fait sa thèse sur la thérapie génique et voulait utiliser cette technologie dans le domaine des vaccins. Aujourd’hui, 'Transgène' a passé des accords avec Novartis et Roche pour des essais cliniques de phases 2 et 3 de produits axés sur le cancer et l’hépatite C. En fait, aujourd’hui, l’industrie commence à s’intéresser à ce genre de programmes. Il se passe la même chose pour les maladies rares qui ne constituent pas un marché, raison pour laquelle l’industrie a été longtemps réticente à investir. Malgré tout, comme le système des ‘blockbusters’ s’épuise, les industriels sont en train de viser ces petits marchés qui pourraient de surcropit leur permettre des sauts technologiques utilisables pour des maladies communes. C’est aussi le cas avec la thérapie génique. Pendant ce temps, l’AFM a réalisé à Evry la construction de Généthon Bioprod, le plus grand bâtiment de production pour la thérapie génique. Construit avec des fonds du Téléthon et des collectivités locales, cet outil, géré par Généthon, a pour objectif d’assurer la mise à disposition de produits de thérapie génique (lentiviraux et AAV) pour les besoins des essais de thérapie génique, voire au-delà si nécessaire. Ainsi, avec ‘Généthon-bioprod’, l’AFM renoue avec le rôle de pionnier qui l’avait amenée à lancer Généthon à l’époque du décryptage du génome humain. Mené par son actuel directeur général, Frédéric Revah, issu du secteur industriel (notamment Rhône-Poulenc en thérapie génique) Généthon évolue ainsi vers la production à grande échelle et ses processus d‘assurance qualité tels qu’ils sont requis par la clinique et l’industrialisation.

Une médecine nouvelle qui provoque des impatiences
On nous reproche parfois des promesses difficiles à tenir dans des délais raisonnables. J’avais été confronté au même problème dans le secteur privé où je voyais des plans de développement de certains produits se présenter avec des horizons qui se révélaient trop optimistes. Quand des difficultés imprévisibles surviennent et imposent des délais importants (ce qui est d’autant plus vrai s’agissant de classes thérapeutiques nouvelles), la question de leur acceptabilité se pose, c’est-à-dire situer le curseur entre la résolution des problèmes et leur aspect rédhibitoire en terme de calendrier et/ou de budget. À ses débuts, la thérapie génique avait donc suscité beaucoup d’espoirs. Les gens s’imaginaient que l’on pourrait bientôt guérir toutes les maladies. Mais outre que l’AFM n’a jamais tout misé sur elle, nous ne mettons jamais tous nos œufs dans le même panier, il faut se rappeler que le développement d’une médecine nouvelle prend du temps et coûte très cher. Après les premières difficultés, les cassandres avaient beau jeu de condamner la thérapie génique et fustiger ceux qui la portent à bout de bras. Mais, on l’a vu, la récolte des fruits a commencé. Il y a eu la Gendicine, une thérapie génique anticancéreuse autorisée en Chine (certes non sans arrière-pensée politique), il ya aujourd’hui le Glybéra en Europe. Elle ne fera évidemment que s’accentuer comme ce fut le cas pour les autres classes thérapeutiques. La clé est le temps et les moyens indispensable à son émergence. C’est la raison pour laquelle l’AFM s’est beaucoup investie dans ce domaine difficile. Pour reprendre une expression du pdt. Kennedy : "c’est parce que c’est compliqué qu’il faut le faire". D’autant que personne d’autre ne l’aurait fait à notre place, en tout cas pas pour les maladies rares. 

L’AFM – Généthon, une réussite
En France, grâce à l’association, la France est leader dans ce domaine, comme elle l’avait été grâce aux cartes du génome. Il serait donc très dommageable de s’arrêter là. Il y a toujours des controverses à la naissance d’une innovation. Pourtant la recherche permet de s’affranchir de barrières qui paraissaient infranchissables. La thérapie génique en fournit un bel exemple. Petit à petit un portefeuille de produits arrivés à maturité va être mis sur le marché dans des délais qui ne sont finalement pas si éloignés du temps de développement des médicaments classiques. Les malades myopathes se disent eux-mêmes très fiers des résultats obtenus par l’AFM tout en se disant que d’autres en bénéficieront avant aux ou que ce sera trop tard pour eux. Cet altruisme est une leçon. À l’étranger, dans les congrès scientifiques on nous demande souvent pourquoi "on est si bon en France en matière de thérapie génique". La réponse est que nous y avons mis les moyens. Nous soutenons également des équipes étrangères. Les maladies rares ne peuvent souvent se concevoir, en particulier en matière d’essais cliniques, qu’à l’échelle supranationale. La France est donc leader dans ce secteur, comme elle l’a été en son temps dans le cartographie du génome humain. A cette époque Graig Venter, lui-même était venu voir le Généthon au début des années 1990, pour le reproduire à l’échelle américaine. Le Pr. Eric P. Hoffman qui collaborait avec ses collègues du NIH m’a raconté, avec amusement et une certaine admiration le constat qu’il firent lorsqu’ils avaient voulu se lancer dans ce même objectif : «les Français l’ont déjà fait». Mais petit à petit, notre pays a perdu son leadership après que l’AFM a transféré sa technologie à l’Etat, qui n’a peut-être pas poursuivi avec les moyens nécessaires ; la France s’est contentée de séquencer le chromosome 14 et c’est tout. En thérapie génique, il ne faudrait pas que nous perdions notre position. Quant au Téléthon, il ne saurait être un impôt ‘bis’ dont les fonds seraient saupoudrés sur une recherche sans véritable vision. Et les donateurs ne s’y retrouveraient plus..

Éthique et thérapie génique
La thérapie génique est un instrument parmi d’autres qui doit évidemment être réservé au traitement des maladies et ne peut servir à opérer un changement dans le caractère humain. C’est d’ailleurs une obligation imposée par l’ONU. On a le droit de traiter une personne, mais pas sa descendance, même dans le cas d’une maladie génétique. Traiter les cellules germinales (spermatozoïdes et ovules) est interdit et très sévèrement réprimé. Cette recherche est donc fort justement très encadrée par des lois de bioéthiques. Les familles gardent la liberté de recourir au diagnostic préimplantatoire pour leur éviter, si elles le souhaitent l’occurrence de maladies génétiques sévères souvent fatales. Dès lors que l’on reste dans le cadre légal, la position de l’AFM est de les accompagner sans juger, qu’elles souhaitent ou non maîtriser leur projet parental. Evidemment, le débat existe sur toutes ces questions et bien d’autres (comme les cellules souche), y compris entre scientifiques d’ailleurs. Les arguments sont parfois curieux. Si on devait tenir certaines logiques jusqu’au bout, tel que le respect de la nature ou de telle ou telle loi divine, parce que la maladie est naturelle, on ne devrait même pas chercher à la traiter. Pas d’intervention autre que le hasard et on laisse l’organisme se défendre tout seul. Tant pis s’il échoue… C'est une éventualité à laquelle nous nous refusons. On pourrait aussi opposer à ceux qui s’en prévalent un commandement biblique où Dieu aurait dit à l’Homme : "Parcours le monde", en ce sens que l’Homme se doit de chercher à comprendre le monde et s’approprier la connaissance.