Inserm actualités n° 88, septembre 1990
Unité de recherche Inserm 91 « Génétique moléculaire et hématologie »
Directeur : Jean Rosa
Les thèmes du laboratoire se rattachent à un même objectif général : améliorer l'état des connaissances sur les mécanismes normaux et pathologiques contrôlant au niveau moléculaire le développement et le fonctionnement de cellules hématologiques principalement des lignées érythoides et mégacaryocytaire. L'unité est un laboratoire mixte Inserm-CNRS-université disposant de locaux propres, Inserm et universitaires, implantés dans le CHU Henri-Mondor à Créteil, Val-de-Marne. La quarantaine de chercheurs de statut de l'unité mixte est composée, moitié par des chercheurs Inserm et CNRS et moitié par des enseignants-chercheurs hospitalo-universitaires travaillant avec quelques 30 autres chercheurs (en année sabbatique, post-doctoraux, en cours de thèse) et avec une vingtaine d'ingénieurs et de techniciens. Le laboratoire accueille des étudiants de divers DEA : génétique humaine, biologie des cellules sanguines, bases de l'oncogenèse, génétique, enzymologie, biologie moléculaire, entre autres. Il accueille également des internes en année recherche tant médecins que pharmaciens. Tous sont répartis en dix équipes. L'unité dispose des moyens permettant d'appliquer les techniques de génie génétique, de culture cellulaire, de microscopie électronique, de triage de cellules, de production d'anticorps monoclonaux, de souris transgéniques, de synthèse d'oligonucléotides, de microchimie des protéines, y compris le micro-séquençage, de modélisation moléculaire, d'enzymologie et de mutagenèse dirigée, d'informatique.
Etude des séquences régulatrices et facteurs protéiques impliqués dans le coexpression des gènes érythroÏdes spécifiques
La différenciation cellulaire conduit à l'expression coordonnée d'un ensemble de gènes dits "tissu-spécifiques". Au niveau moléculaire, cette expression est due à des interactions entre des facteurs pour la plupart protéiques (facteurs en trans), se fixant sur des séquences d'ADN situées en cis du gène activité (séquences en cis). Ces interactions protéines-ADN et protéines-protéines créent des complexes qui permettent aux différentes ARN polymérases d'initier une transcription primaire. L'étude des séquences en cis a montré une structure modulaire de la région promotrice de la transcription, et la combinatoire de fixation des facteurs en trans sur ces différents modules semble être la base moléculaire des différents phénotypes cellulaires.
La coordination de l'expression au cours de la différenciation érythroïde, de gènes codant des protéines érythroïdes spécifiques est particulièrement étudiée. Les cellules érythroïdes se prêtent parfaitement à ce type d'études en raison de leur facilité d'obtention, du niveau élevé des connaissances acquises maintenant en ce qui concerne leur biologie, et du savoir faire existant en ce qui concerne les approches cellulaires, biochimiques et de biologie moléculaire de ces cellules dans l'unité.
Les travaux dans ce domaine consistent en la détermination de séquences cis-actives intervenant dans l'expression de gènes érythroïdes spécifiques, dans l'analyse des facteurs protéiques impliqués dans l'expression érythroïde spécifique de plusieurs gènes clonés dans l'unité.
En perspective conjointe, sont effectuées des recherches sur l'extinction de gènes érythroïdes spécifiques dons des processus de blocage de la différenciation, phénomène survenant dans de nombreuses leucémies humaines.
Etude des systèmes régulant, au niveau moléculaire, la distribution de l'oxygène dans les tissus
La fixation, le transport et la délivrance aux tissus de l'oxygène constituent un problème majeur de physiologie et sont impliqués dans de nombreuses pathologies tant génétiquement déterminées (drépanocytose) qu'acquises (ischémie nerveuse ou myocardique). Le rôle et les performances de l'hémoglobine ont été précisés par de très nombreuses études de corrélations structures/fonctions dont certaines se poursuivent encore dans l'unité : étude de mutants connus ou nouveaux par les méthodes les plus modernes de RMN et de modélisation moléculaire.
A côté de l'étude de l'hémoglobine elle-même, on étudie activement le système modulant les capacités de liaison de l'oxygène à l’hémoglobine, à savoir le système enzymatique produisant et métabolisant l'effecteur allostérique de l'hémoglobine : un ester phosphate érythroïde spécifique, le 2,3-diphosphoglycérate. Des travaux antérieurs ont amené à savoir étudier la structure tridimensionnelle de l'enzyme multifonctionnelle produisant le 2,3-diphosphoglycérate, ainsi qu'à produire in vitro des mutants par mutagenèse dirigée, permettant l'étude de corrélations structure/fonction, d'identifier le(s) site(s) actif (s), avec comme objectif de développer des effecteurs de cette enzyme permettant de moduler in vivo le taux de 2,3-diphosphoglycérate. Un tel contrôle permettrait d'agir au plan thérapeutique sur la prévention des accidents de la drépanocytose et sur les accidents ischémiques acquis divers.
Pathologie génétique et moléculaire
L'unité effectue des recherches sur diverses maladies génétiquement déterminées, hématologiques ou non, (hémoglobinopathies, enzymopathies, hémophilies, mucoviscidose, nanisme hypophysaire). Ces recherches vont depuis des recherches de base (clonage du récepteur de la somato-hormone par exemple) jusqu’à des recherches appliquées : développement de méthodes nouvelles d'analyse des gènes pathologiques, l'applications au diagnostic prénatal. Des études de pathologie moléculaire sont également menées par analyse du génome portant sur des pathologies leucémiques ou virales.
L'étude d'une de ces maladies génétiquement déterminée, la drépanocytose, est particulièrement développée dans l'unité. La drépanocytose est avec les thalassémies, également maladies de l'hémoglobine, la plus répandue des maladies génétiquement déterminées. Sa fréquence, la facilité des études in vitro à son niveau, les enjeux médicaux, économiques et même culturels qu'elle soulève en font un modèle prototype d'étude des maladies génétiques. Celle-ci est poursuivie à différents niveaux dans l'unité : études épidémiologiques, cliniques et de santé publique en France et dans les DOM-TOM, recherches concernant la physiopathologie avec, à la clé, l'amélioration de ses traitements. L'abord dans ce domaine est d'une part celui évoqué au paragraphe précédent, d'autre part, le développement de modèles animaux (souris drépanocytaires) obtenus par transgenèse. Ces modèles permettront de poursuivre des études de corrélations structure/fonction d'interactions de différents gènes et d'essais médicamenteux entre autres.
Collaborations et retombées médicales
L'unité a de très nombreuses collaborations françaises et étrangères, tant en recherche fondamentale qu'en recherche appliquée et en recherche clinique. Elle est au centre de plusieurs réseaux ayant trait à des maladies génétiques et à des problèmes d'épidémiologie. Elle collabore étroitement avec des équipes dans les DOMTOM, au Maghreb et en Afrique subsaharienne. Ces collaborations sont facilitées par l'éclectisme des thèmes et des origines des chercheurs la composant, et par son insertion dans un centre hospitalier. Les travaux et les résultats obtenus par certaines équipes ont des retombées biomédicales et de santé publique évidentes. Plusieurs méthodes diagnostiques pour maladies génétiques ont été développées dans l'unité tant en diagnostic prénatal qu'en diagnostic néonatal d'un certain nombre de maladies génétiques (hémoglobinopathies, enzymopathies, hémophilies, mucoviscidose).