Alphonse Gardie et l'Association Claude Bernard (ACB)
Témoignage de M. Alphonse Gardie, ancien secrétaire général de l'AP-HP, recueilli par J. F. Picard le 22 mars 1991
Au début de cette histoire, il y a celle de l'Assistance publique de Paris ?
Pendant la Révolution française, la Convention qui avait fait vendre les biens des hôpitaux (qui appartenaient au clergé), les avait privés de leur principal moyen de subsistance. Le Directoire a bloqué cette mesure pour confier leur gestion à des commissions administratives composées de médecins locaux, à Paris l'ancêtre de l'administration hospitalière. Puis le Consulat a créé le Conseil général des hospices auquel on a donné les bureaux de bienfaisance. Cette structure a bien fonctionné jusqu'en 1849, date à laquelle a été créé à Paris l'administration générale de l'Assistance publique, dotée d'un directeur et d'un conseil de surveillance, qui était chargée des hôpitaux et hospices ainsi que de l'assistance à domicile
Quelles étaient les ressources financières de l’AP ?
Elles ont toujours été parisiennes jusqu'au développement de la Sécurité sociale, l'Etat n'ayant jamais été très généreux. Le financement venait essentiellement de la ville de Paris, les communes de banlieue étant trop pauvres, et il était presque totalement utilisé pour les hôpitaux. Au début du XIXème siècle, le Conseil général des hospices a connu des réformes importantes avec la création de l'internat et du médicat des hôpitaux, provoquant l'essor de la grande école française de la clinique. Mais cette première révolution médicale n'avait pas l'ampleur de celle à laquelle on a assisté au lendemain de la seconde guerre mondiale. Révolution scientifique bien entendu, mais aussi sociale avec la transformation des Assurances sociales en Sécurité sociale. Dès lors que le nombre d'assurés sociaux ne cessant de croître, cette source de financement s'est progressivement substituée au régime spécial de l'aide médicale de la ville de Paris pour ne plus laisser à la ville que la charge de subventionner les maisons de retraite.
D'où l'importance de l'administration municipale...
Bien des choses ont été lancées et développées à Paris avant que l'Etat ne s'en occupe. Par exemple la Préfecture de police, qui est certes sur sous les ordres du ministère de l'Intérieur (aujourd’hui une simple direction), mais qui était jusque dans les années 1970, alors que Paris n'avait pas de maire, une sorte d'état dans l'état. Dans notre pays, les premiers concours administratifs ont été créés à la Préfecture de police. De même, la Préfecture de la Seine était certes dans la main du ministre de l'Intérieur, mais elle s'appuyait aussi sur le Conseil municipal et le Conseil général. Or, l'Assistance publique se trouvait dans la même situation, elle représentait la troisième administration du département et disposait donc des moyens afférents à l'administration d'une ville qui est la capitale de la France. En face d'elle un ministère de la Santé, lui même issu du ministère du Travail, mais loin de faire le poids en terme de personnel, voire budgétaire, qui ne pouvait donc que s'inscrire dans son sillage.
Y avait-il des laboratoires de recherche à l'hôpital ?
Guère, nos médecins étaient formés dans la tradition de la grande école française d'anatomo-clinique qui remontait au XIXème siècle, ce qui explique que le centre de gravité de la recherche médicale dans le monde n'était plus en France, mais qu'il était passé en Angleterre, en Allemagne et aux Etats-Unis. Chez nous, en cas de besoin, on envoyait les malades faire leurs électro-encéphalogrammes à la Faculté de médecine où se trouvaient les fondamentaliste, l'autre fonction de la Fac étant d'assurer les travaux pratiques pour les étudiants. Charbonneau avait créé le système des laboratoires centraux dans les hôpitaux, non sans de nombreuses difficultés puisqu'il avait fallu prendre les biologistes à la Faculté et en même résister à l'opposition larvée des labos de service hospitaliers (chargés des analyses). Chaque patron avait des laborantines, des filles polyvalentes en général. Il n'y avait que des laboratoires de chimie tenus par les pharmaciens.
Quelles étaient les relations de l'Assistance publique avec la Faculté de médecine ?
Très anciennes puisqu'elles remontent à la création des deux institutions. On avait même construit à Tergnier, un 'hôpital pour la pédagogie de la clinique'. En réalité, l'enseignement de la médecine se faisait, comme l'on sait, à l'hôpital. C'était le magistère de la clinique. Ainsi Claude Bernard, professeur au Collège de France, avait un service à l'Hôtel-Dieu. La Faculté n'avait qu'une cinquantaine de services cliniques qui rassemblaient environ les deux tiers des étudiants, le tiers restant était mis en pension ailleurs où l'enseignement n'était d'ailleurs pas plus mauvais que dans les hôpitaux. Une convention générale entre l'AP et la Faculté de médecine - renouvelée plusieurs fois - régissait ces relations. Les professeurs de clinique étaient tous médecins ou chirurgiens des hôpitaux, à l'inverse, les fondamentalistes étaient essentiellement des enseignants, parfois des chercheurs, quelques fois ils étaient attachés à un hôpital, mais cette dernière disposition ne s'est développée qu'après.
Et avec la Sécurité sociale ?
Nos relations avec la Sécurité sociale naissante ont démarré de manière houleuse. Après 1945, nous avons rencontré des nouveaux venus aux prétentions immenses, je dirais même des parvenus : il s'agissait de syndicalistes parmi lesquels les cégétistes qui étaient en force, menaient le train : "c'est nous qui payons, nous sommes les maîtres !" Or, à l'époque, les hôpitaux n'avaient pas la souplesse de gestion ni la philosophie d'ouverture qui leur aurait permis de s'adapter à cette conjoncture nouvelle. Il y a donc eu du pétard entre les Caisses d'assurance maladie et l'AP Les représentants de la CNAM ont rapidement obtenu de devenir membres de notre Conseil de surveillance. Ils ont mis leur nez partout, entre autres un certain Bretonville, une sorte de pétroleur qui était rapporteur du budget des magasins généraux. Il n'arrêtait pas de nous emmerder dans la tenue des comptes en pinaillant sur des points de détail. Il y avait aussi un syndicaliste cégétiste, dont le nom ne me revient pas, qui sévissait à la fois au ministère de la Santé, au Conseil supérieur des hôpitaux et à l'AP, un vrai fanatique... Les administratifs de la Sécu, quelqu'un comme Pierre Laroque par exemple, avaient les mêmes tendances hégémoniques que les syndicalistes. Prenons l'exemple de l'affaire du centre de traumatologie que Merle d'Aubigné et un certain nombre de ses confrères souhaitaient installer. L'AP n'avait pas un centime de subvention étatique pour réaliser cette opération. Merle est donc allé faire la cour à Laroque et ils ont passé un accord, à propos duquel j'ai d'ailleurs du intervenir pour éviter la parcellisation du projet. Il avait obtenu 50% de subventions de la part de la Sécu, alors que le taux habituel était de 40 et cela en contrepartie de la pose d'une plaque de marbre dans le hall du centre pour signaler la participation exceptionnelle de la Sécu. Bref, l'une des premières choses à laquelle nous nous sommes attelés quand Xavier Leclainche est arrivé, en 1947, a été de chercher un terrain d'entente avec la Sécurité sociale. Cela a pris du temps, il a fallu apprendre à se connaître, on a discuté, on leur a expliqué notre position, de notre coté nous admis certaines de leurs vues. Progressivement, on a fini par s'entendre. Quant au Conseil de surveillance, il a fini par tomber en désuétude, d'autant que soucieux de déconcentrer notre gestion, nous avons mis en place des commissions de surveillance locales où les représentants de la Sécu étaient moins présents.
Pourriez vous évoquer la genèse de l'Association Claude Bernard (ACB) ?
Suite à l'interruption de la Seconde Guerre mondiale, la France qui n'était déjà pas glorieuse auparavant, avait pris un retard considérable dans la recherche comme dans la pratique médicales. Souvenez vous de la manière dont on parlait du "miracle" des antibiotiques. Ainsi, l'idée de créer l'Association Claude Bernard pour la recherche médicale revient à deux hommes qui voulaient moderniser le système, le dr. Xavier Leclainche le directeur de l'AP et le professeur Raoul Kourilsky, le chef du service de pneumologie à l'hôpital Saint Antoine. A la suite de plusieurs manifestes envoyés par Leclainche au Conseil municipal de Paris, lors de sa séance du 10 juillet 1952 et grâce au soutien du dr Bernard Lafay, un conseiller municipal, l'honorable assemblée a décidé la création d'une Association Claude Bernard pour la recherche médicale, une décision entérinée par le Conseil général de la Seine l'année suivante (30 juin 1953). L'ACB a donc été créée modestement dans le bureau du préfet Paul Haag, on a déposé des statuts (finalement approuvés par un décret du 11 décembre 1956) et nous avons commencé à recruter essentiellement parmi les médecins des hôpitaux. Désormais, l'ACB était inscrite au budget de la Ville et du Département via le dr. Leclainche qui y avait ses entrées, à gauche au Conseil municipal, à droite au Conseil général. Il faisait d'ailleurs ce qu'il fallait pour que ces deux instances apparaissent comme les promoteurs de l'opération - je me souviens d'un de ses éditoriaux dans le style de l'époque : "en avant au Conseil municipal !".
Xavier Leclainche (1899-1984). Fils d’un vétérinaire pasteurien, en 1921 Xavier Leclainche devient externe chez Fernand Widal où il rencontre Robert Debré. Nommé chef de service d'études techniques de l'Office national d'hygiène sociale (ONHS) en 1928, il lance un bilan de l'équipement sanitaire de la France (création d'unités d'inspection d'hygiène dans une soixantaine de départements). A la fermeture de l'Office en 1935, Leclainche est rattaché au ministère de la Santé. En 1939 à Perpignan, il organise les hôpitaux destinés à accueuillir les réfugié espagnols après la chute de Barcelone. En juillet 1940, relevé de ses fonctions par Vichy, il prend la direction d'un hôpital psychiatrique à Toulouse et il entre dans la Résistance. A la Libération, il participe à la conférence de San Francisco qui voit la création de l'OMS et il est nommé Directeur du département de la Santé de la Région parisienne, puis directeur de l'Assistance publique en 1949. Animé par un esprit de réforme et secondé par un dynamique secrétaire général (A. Gardie), Leclainche y installe à un Comité consultatif des hôpitaux destiné "à mener de front la reconstruction et la modernisation des services d'hospitalisation dans le souci majeur de la recherche scientifique." (Notice nécro. X. L. par André Dufour, BNAM, 23 oct. 1984.) |
Quels souvenirs avez vous de Raoul Kourilsky ?
Je l'avais rencontré avant-guerre à l'hôpital Raymond Poincaré qui était spécialisé dans les maladies chroniques. Lorsque les Allemands se sont emparés de 'Poincaré' et qu'en échange ils ont donné l'hôpital Foch de Suresne, il est entré dans le service de phtisiologie (sous la houlette d'un directeur qui s'appelait Chevalier, l'hôpital Foch fonctionnait comme un hôpital privé, de manière si remarquable d'ailleurs que cela provoquait l'envie de l'administration de l'AP). R. Kourilsky était un très bon gestionnaire, tout en étant un excellent clinicien et il était l'ami du dr. Leclainche, ce qui ne gâtait rien. Les médecins politiques l'avaient élu président du 'Syndicat des médecins des hôpitaux'. Ce qui était le meilleur moyen pour que leurs revendications soient acceptées par l'administration. C'était un moderniste - il a appuyé à fond la réforme Debré - et un esprit ouvert à la recherche, avec de très bons contacts chez les anglo-saxons, accueillant avec enthousiasme les nouveautés techniques et biologiques. Par exemple, il a accueilli à Saint-Antoine un radiologiste, Maurice Marchal, l'inventeur d'un dispositif de cinédensigraphie, l'ancêtre du scanner. Ce matériel était extraordinairement compliqué, pour arriver à l'endroit où le patient devait être examiné, il fallait passer à quatre pattes sous une forêt de fils électriques, mais cela marchait. Pour créer l'ACB, Kourilsky s'était inspiré de l'organisation hospitalière anglaise, i.e. un service de recherche complété d'un petit service clinique ou biologique (teaching hospital). Mais on ne l'a pas copié jusqu'au bout, en réalité les directeurs des centres ACB ou Inserm ne faisaient pas forcément les applications de leur recherche dans leurs services hospitaliers. Il est vrai qu'avec la mise en place de leur National Health Service, les Anglais ont eu bien du mal à répondre aux besoins de la recherche clinique, alors qu'en France, avec l'anarchie qu'on y connait, on a pu suivre cahin caha...
Et vous avez mis en place un conseil scientifique à l'ACB
Au début, pour être tranquille, nous avons pris avec nous les deux grandes personnalités médicales qui ont entrainé les médecins des hôpitaux, à savoir L. Pasteur Valléry Radot (PVR) et Robert Debré. Ce dernier, membre du premier conseil scientifique de l'ACB était, en quelque sorte, une personnalité incontournable. Leclainche avait été son élève, comme d'ailleurs la moitié des gens de l'ACB. Mais nous avons aussi pressenti d'autres personnalités comme Robert Courrier (Collège de France) ou les doyens Binet et Favre ainsi que Louis Bugnard, le directeur de l'Institut national d'hygiène (INH). Je dois dire que le premier conseil scientifique de l'ACB était beaucoup plus actif qu'il ne l'est devenu par la suite. Les patrons hospitaliers m'aidaient à brandir l'étandard de la recherche pour obtenir le maximum de subventions.
Pasteur Valléry Radot n'avait il pas déjà fondé une association pour la recherche médicale ?
Certes. A la suite d'une tournée de conférences au Brésil au lendemain de la guerre, PVR avait ramené des tonnes de café et, grâce à l'argent de sa vente, en 1947, il avait créé une 'Association pour le développement de la recherche médicale', l'ancêtre de la Fondation pour la recherche médicale d'aujourd'hui (FRM). Cette association pour laquelle il avait réuni du beau monde (la comtesse R. de Montferrand, J. Tréfouel le directeur de l'Institut Pasteur, Henri Lumière le président de la chambre de commerce de Lyon, le pdt. Herriot, Etienne Gilson, B. Lafay, le baron Guy de Rothschild, G. Villiers du CNPF, etc.) était de fait réservée à l'usage des siens, Jean Hamburger, Bernard Halpern,..., mais elle n'avait pu se développer du simple fait que l'argent du café brésilien une fois dépensé ne faisait plus de petits. On nous a donc recommendé de nous rapprocher de l'association de PVR, ce que nous avons fait et ce dont nous n'avons eu qu'à nous féliciter puisque cela a facilité la constitution de l'ACB. PVR, qui était un malin, avait pris comme vice président de son association un président de section du Conseil d'Etat, Georges Cahen Salvador, que nous avons fait entrer dans notre Conseil d'administration. Il nous a donné des conseils avisés. Ainsi, à l'origine, nous avions prévu ce créer un 'Institut Claude Bernard ', mais Cahen Salvador nous a expliqué que le statut associatif présentait de nombreux avantages, notamment en termes de souplesse de gestion, nous l'avons suivi et il a obtenu notre reconnaissance d'utilité publique dans les meilleurs délais.
'Projet de création par la Ville de Paris d’une association, dite ‘Institut Claude Bernard’, destinée à organiser la recherche scientifique en milieu hospitalier', 1 avril 1952 (Arch. ACB) Les progrès véritablement révolutionnaires enregistrés depuis dix ans dans toutes les disciplines scientifiques ont placé les médecins devant de nouvelles responsabilités. Il ne suffit plus d’emprunter aux sciences voisines les techniques et les méthodes. Si l’on veut accélérer le rythme du progrès scientifique en médecine, il faut que la recherche soit installée à pied d’œuvre à l’hôpital même. Cette implantation ne signifie nullement que cette recherche doive se faire sur le malade lui même, selon un préjugé naif encore trop répandu, mais que toute l’armature scientifique d’investigation et de contrôle expérimental et animal, doit exister sur place,à portée de l’investigation clinique, de façon à observer concurremment la maladie spontanée et ses équivalents expérimentaux. L’ancienne formule limitant la recherche aux Instituts spéciaux et l’activité scientifique médicale au diagnostic et au traitement ne permet plus, en effet, une étude suffisamment précise de la maladie. Or celle ci est indispensable à la découverte de nouveaux moyens d’action. Il n’est que temps d’introduire dans les hôpitaux de Paris ce progrès décisif et d’associer plus intimement la recherche à la clinique. Un grand savant, Claude Bernard, professeur de médecine au Collège de France après avoir été l’assistant de Magendie à l’Hotel Dieu avait prévu cette exigence, il y a 75 ans, avec une lucidité prophétique. Dans son ‘Introduction à l’étude de la médecine expérimentale’ il recommandait aux médecins de ne pas laisser le monopole de la recherche aus sciences spéciales ; il les instruisait de la nécessité pour les progrès rapides de la médecine d’entreprendre sur place, par leurs propres moyens, l’investigation des problèmes posés par la maladie selon la méthode qu’il avait instituée. L’expérience a partout confirmé les prévisons de Claude Bernard; c’est un devoir de donner corps à ces idées dans les lieux mêmes où ils les conçut. Elles sont déjà en cours de réalisation dans quelques hôpitaux sous l’impulsion courageuse et énergique de plusieurs professeurs et chefs de service, de même que l'Institut national d'hygiène dispenses des bourses à des médecins soucieux de se consacrer à la recherche scientifique, mais, revenus dans les hôpitaux, ces hommes d’élite ne peuvent qu’exceptionnellment se consacrer entièrement à la recherche et elles ne sauraient pourvoir à l’avenir des médecins chercheurs. Or, si on veut assurer le succès de la recherche, il ne faut à aucun prix que ceux qui s’y dévouent dépendent pour vivre de la clientèle privée qui annihile la plus grande partie de leurs efforts, ni qu’ils briguent des postes hospitaliers qui absorberaient leur activité dans une tâche qui n’est pas la leur. La solution consiste à créer un fonds spécial pour rétribuer des cadres supérieurs stables et des agents techniques dans des laboratoires qu’il serait possible d’installer à l’hôpital. L’Association Claude Bernard permettrait ensuite de diriger judicieusement une politique de recherche hospitalière en fonction des besoins scientifiques de la médecine. Cet effort doit amener la médecine parisienne à reprendre le premier rang sur le plan de la science internationale.
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Quel fut le rôle de de l'Institut national d'hygiène (INH) dans les débuts de l'ACB ?
Très important. Dès le début, Louis Bugnard, le directeur de l'Institut national d'hygiène avait été pressenti par Xavier Leclainche pour faire partie de 'Claude Bernard' et il avait accepté. A l'INH, Bugnard avait institué les premières unités de recherche, déjà baptisées 'centres de recherche'. Il avait passé une convention avec l'AP (à l'élaboration de laquelle j'ai participé), ce qui lui permettait de financer l'installation de certains d'entre eux dans les hôpitaux, le premier ayant été celui de Jean Trémolières, le second celui de Jean Scherrer à la Pitié-Salpêtrière. Grâce à l'aide des grandes fondations étrangères, notamment américaines, il avait aussi réussi à créer un système de bourses grâce auxquelles il avait commencé à former le noyau de nouvelles équipes. Aux débuts de l'ACB, Bugnard a eu un rôle essentiel de rapporteur, aidant notre conseil scientifique à choisir ses premiers centres de recherche. Il avait divisé en deux groupes la vingtaine d'équipes de recherche existantes et qui disposaient jusqu'alors de modes de financement aléatoires. Il a mis de côté celles dont il se débarrassait, financièrement parlant, au profit de l'ACB, par exemple celles de Jean Bernard ou de Jean Hamburger, de l'autre celles dont il entendait garder le financement sur ses fonds propres. Au bout de deux ou trois ans, alors que le budget de l'INH avait augmenté, les équipes qu'il avait attribuées à l'ACB sont venus lui demander un financement, ce qui s'est opéré d'abord dans le cadre de l'INH, puis de l'Inserm.
L'adjoint de L. Bugnard à l'INH, Jean-Pierre Bader signale une certaine concurrence entre l'ACB et l'INH...
C'est vrai, il est arrivé que Bugnard empêche la fondation Ford d'accorder une subvention à l'ACB, ce qui est bien dommage car les Américains ne voulant pas subventionner un organisme d'Etat (en l'occurence l'INH), elle a été perdue pour tout le monde. A une autre époque, l'INH aurait voulu reprendre nos chercheurs en nous donnant des techniciens en échange. En effet, il arrivait à Bugnard de déplorer que le statut de son institut soit moins souple que le notre, ce qui ne permettait pas à ses chercheurs de s'inscrire à la patente. Mais nous avons refusé, cela nous aurait transformé en prestataire de services, or nous entendions garder la maitrise de nos projets. Cependant, malgré le développement de l'INH et ensuite de l'Inserm, on constate que l'ACB est restée en place!
En fait, l'ACB était l'affaire d'une nouvelle génération de cliniciens...
...des modernistes comme Jean Bernard ou Jean Hamburger qui sortaient de l'ombre à cette époque, donc toute une nouvelle génération que l'INH cherchait à aider, malheureusement avec des moyens insuffisants. En règle générale, ceux qui ont participé aux débuts de l'ACB étaient des gens ouverts sur les nouveautés qui apparaissaient dans le monde, ils voyageaient, je me souviens d'une occasion où quatre de nos directeurs de centres se trouvaient ensembles à New York, ils auraient pu y tenir une réunion du conseil scientifique!
Quelles ont été les premières réalisations de l'ACB ?
En 1954, R. Kourilsky et son confrère Lenègre ont préparé un plan pour l’organisation de centres de recherche qu'ils ont soumis à leurs confrères cliniciens des hôpitaux. Cet ainsi que huit centres ont été créés en 1956, l'un sur les leucémies et les maladies du sang pour Jean Bernard à Saint Louis, un autre sur les applications médicales des isotopes pour René Fauvert à Beaujon, un centre sur l'allergie pour Bernard Halpern à Broussais, sur l'insuffisance rénale pour Jean Hamburger à Necker, le centre d'immuno-pathologie de Kourilsky à Saint Antoine, celui de recherches biologiques néo-natales d'Alexandre Minkowski à Cochin, le centre de recherche neuro-physiologiques de Jean Scherrer à la Salpétrière, enfin, un peu plus tard, le centre de gérontologie de François Bourlière à Sainte Périne. Ainsi l'année de son lancement, l'ACB rémunérait 16 chercheurs et 15 techniciens, soit quatre personnes par. D'autres centres de recherche ont été installés les années suivantes, l'un consacré aux médicaments pour Lechat aux Cordeliers, le Centre de chirurgie expérimentale de Broussais (Vaysse et Dubos), un centre de recherche en cardiologie de Lenègre et Scébat à Boucicaut. Au tournant des années soixante l'ACB a installé un centre de physiologie animale (animaux de laboratoires), le centre de recherche sur l'hypertension artérielle de Paul Milliez à Broussais, enfin le centre de recherche s cancérologiques de Georges Mathé, le futur ICIG de Villejuif. D'environ 700 000 mille francs à ses débuts, le budget de l'ACB devait atteindre les 3 millions et demi de Francs (1980) dix ans plus tard.
Donc pas mal d'innovations en matière de recherche clinique, par exemple l'introduction des modèles animaux
Il y avait déjà eu quelques réalisations, non sans embarras d'ailleurs. Quand Jean Bernard était à Hérold, il avait une vraie animalerie, ce qui n'allait pas sans irriter certains de ses collègues. Un jour Mallet, un pédiatre, a suscité une blague pour tenter d'évacuer les souris de Jean Bernard. Ses internes ont répandu dans le quartier des petites affichettes qui disait que des souris qui avaient absorbé des produits radioactifs s'étaient échappées de l'hôpital et que les personnes qui pourraient craindre que leur chien ou leur chat n'aient absorbé une souris radioactive se présentent à la consultation du docteur machin, tel jour, telle heure. Et c'est ainsi qu'un beau matin, on a vu arriver des gens avec des chiens en laisse, des chats dans leurs paniers et tout cela se bagarrait dans la salle d'attente…
Dans cette période pionnière, le problème des cumuls semble empoisonner la vie des médecins chercheurs. A la fin des années 1950, la Cour des comptes épingle des 'cumulards' comme Alexandre Minkowski
Ce qu'on peut dire est que l'auteur du rapport de la Cour des comptes est heureusement retombé dans l'oubli, alors que Minkowski...! A l'époque, Minko était directeur d'un centre de recherche Claude Bernard, or nos directeurs n'ont jamais été rémunérés. Il avait un petit grade de maitre de recherche à l'INH et c'est tout. Donc, heureusement pour ses malades qu'il faisait de la médecine néonatale, ce qui lui permettait de vivre. Ces cumuls, scandaleux (!) au regard de la doctrine étaient tout simplement indispensables aux intéressés. L'ACB ne rémunèrait que les chercheurs et les techniciens. L'idéal était qu'ils soient à plein-temps, mais au fil des ans, nous avons été amenés à mettre de l'eau dans notre vin et à considèrer que des gens qui travaillaient en vacation étaient utiles. Contrairement au statut de l'INH, celui du personnel de l'ACB permettait le cumul des traitements, ce qui était logique compte tenu de son caractère hospitalier, de plus la taux des rémunérations était plus élevé qu'à l'INH. Telle était la situation avant que l'Association ne se mette à devenir un système de gestion de fonds privés car, je le rappelle, elle n'avait pas tant été créée pour aider des médecins à faire de la recherche, que pour introduire la recherche à l'hôpital. C'est un point essentiel, en effet, il nous apparaissait que la clinique devait avoir un rapport direct avec la recherche, en amont parce qu'elle lui pose des problèmes à résoudre, en aval parce qu'elle en recueille le résultat. Plus tard, il est vrai que l'ACB a évolué et qu'elle participe désormais à des programmes de recherche beaucoup plus fondamentale concernant, par exemple, la médecine moléculaire ou la biologie cellulaire.
La Sécurité sociale soutenait-elle la recherche médicale ?
Elle s'y intéressait car, ainsi que je le disais, elle voulait tout dominer. A l’AP-HP, elle fourrait son nez dans la gestion, dans les choix politiques d'équipements et dans ce qu'elle pensait - à juste titre d'ailleurs - être l'avenir, c'est à dire la recherche. Le seul domaine où elle n'intervenait pas était l'enseignement, en fait les facs de médecine étaient du ressort de l'Education nationale. C'est par le biais de l'action sanitaire et sociale que la Sécu influait sur la politique d'équipements hospitaliers, une prérogative du ressort de l'Etat, il y a donc eu des négociations sur la base du donnant-donnant. Par exemple la Caisse nationale d'assurance maladie a accepté la création de l'hôpital Sainte Camille qui était tenu par des frères, en échange de la construction de Marie Lannelongue. Plus tard, alors que l'AP-HP était dirigée par m. Damelon, comme nous ne voulions pas nous occuper de l'instauration de services de dyalise à domicile, les médecins entrainés par Hamburger et la caisse régionale de Sécurité sociale ont mis en place le dispositif ad hoc.
Les négociations entre l'AP-HP et la Sécu semblent à l'origine d'une première ébauche de plein temps hospitalier
C'est exact, au début des années 1950, l'AP-HP a lancé une expérience de plein temps clinique. Une convention a été passée entre l'AP et la Caisse régionale. La décision résulte de discussions agitées entre les leaders de la Sécu, Clément Michel, le dr. Azeman, le directeur départemental de la Santé qui présidait ces réunions et l'AP-HP, Leclainche restant en retrait et moi poussant à la roue, quitte d'ailleurs à recevoir les coups car le corps médical était très hostile au projet. Les discussions tournaient autour de deux options, le 'plein-temps personnel' et le 'service plein-temps'. Mais j'ai réussi à obtenir l'accord des uns et des autres sur le 'plein temps personnel'. On avait déjà l'exemple de Pierre Mollaret qui avait adopté la formule dans son service des maladies infectieuses en s'inspirant des expériences de Gustave Roussy à l'institut du cancer de Villejuif. Avec le service personnel, tous les après-midi, un membre de l'équipe médicale, au dessus des internes, était présent. Si ce n'était un véritable service plein-temps, c'était mieux que rien. Pour réaliser ce 'plein temps personnel', j'ai obtenu de la Sécurité sociale la mise en place de lits et de consultations privées à l'hôpital. Pour cela, il fallait un décret exceptionnel élaboré en Conseil d'Etat pour autoriser l'AP-HP à avoir des lits privés. Le côté pittoresque de l'affaire est que parmi les cinq services prévus pour le plein temps'(3 de médecine, 2 de chirurgie), Mollaret étant candidat s'est vu évincé un un jour qu'il était absent de la commission. On imagine le tollé... En fait, il a été remis en place grâce au soutien de la Sécu.
Tout ceci annonce la réforme Debré de 1958...
Peut-être la réforme Debré n'aurait-elle pas pu démarrer comme elle l'a fait s'il n'y avait eu notre tentative auparavant. Vous savez que dans le même temps où nous lancions l'ACB, Robert Debré réunissait son groupe de travail sous les auspices du ministre René Billières, nous étions encore sous la quatrième République. Avec l'arrivée de De Gaulle au pouvoir et la nomination de Michel Debré, son fils, comme Premier ministre, les ordonnances de 1958 ont pu être passées rapidement : celle du 30 décembre sur la réforme hospitalière et du 31 sur la réforme des études médicales. Mais les médecins étaient loin d'être emballés par le plein temps. Reste que Mollaret qui avait été son adversaire a été assez astucieux pour leur dire : "acceptez le plein temps... sous réserve", sous réserve de l'octroi de lits privés bien entendu. Moyennant quoi, le plein temps s'est mis en place au fur et à mesure que les services hospitaliers se modernisaient. Pas chez les chirurgiens, une grande partie d'entre eux ayant refusé le nouveau dispositif, ils se sont ainsi mis eux-mêmes hors course.
...et sa fameuse trilogie 'soins-enseignement-recherche'
Dans la réforme Debré, il y a deux fenêtres pleines, la Faculté et l'hôpital (les CHU) et une fausse, la recherche. Ce n'est sans doute pas de la faute de Robert Debré, mais plutôt celle des ministères de la Santé ou de l'Education nationale qui n'ont pas accordé les crédits nécessaires au fonctionnement de la recherche dans les CHU. On peut donc dire que la recherche médicale existe grâce au CNRS et à l'Inserm, mais aussi à Pasteur ou à l'ACB. En France, les professeurs de médecine avaient perdu l'habitude de faire de la recherche, alors qu'à l'étranger, aux Etats-Unis ou en Allemagne ou encore en Angleterre, les Facultés et les écoles restaient le ferment de la recherche. En France, c'est bien moins le cas ou alors c'est qu'il s'agit d'unités Inserm ou CNRS associés. A la suite de la réforme de 1958, Robert Debré et Jean Dausset ont bien tenté de développer quelque chose en faveur de la recherche, par exemple les 50m2 destinés au laboratoire dans les CHU, mais cela n'a pas marché. Pourquoi ? Les enseignants, beaucoup trop individualistes, n'ont pas fait bloc pour défendre la recherche médicale, moyennant quoi, le ministère des Finances ne leur a pas donné les moyens nécessaires. De plus l'Education nationale et la Santé se disputaient le pouvoir, or les hôpitaux étant désormais à cheval sur les deux administrations. A l'époque, je faisais partie d'un groupe de travail, constitué dans le cadre du Comité interministériel (chargé de la réforme de 1958) où on s'interrogeait sur le futur rôle des assistants à la fac de médecine. Le responsable du groupe, Robin, voulait un assistanat stable (enseignant-chercheur donc dépendant de l'Education nationale) alors que Debré proposait un assistanat-clinicat (i.e. temporaire, dépendant de la Santé). Ce dernier l'a emporté tandis que Robin démissionnait.
La réforme Debré est-elle la raison de la transformation de l'INH en Inserm ?
On était en pleine guerre bureaucratique, dans l'administration, un service ne peut pas tuer l'autre, mais il peut essayer de l'écraser. A l'Education nationale, vieille administration mal gêrée, les administratifs tenaient le pouvoir et les budgets jusqu'à ce qu'en 1958, ils aient vu arriver la DGRST - cette parvenue! -, un peu comme nous même avions vu arriver la Sécurité sociale en 1945. La DGRST faisait alors de l'embauche à tout va, puis elle changeait d'objectifs et il fallait que les gens se débrouillent pour trouver de l'argent ailleurs... Bref, en secouant l'Education nationale, la DGRST semble effectivement avoir eu un rôle dans la transformation de l'INH en Inserm.
Le rôle de Georges Mathé semble important dans l'affaire
Georges Mathé avait commencé comme adjoint de Jean Bernard à Hérold, puis l'a suivi à Saint-Louis. Après avoir fait les fameuses greffes des chercheurs yougoslaves (à l'occasion l'ACB avait du lui acheter une 4cv Renault pour permettre à ses techniciennes d'aller chercher les donneurs de moëlle), il s'est brouillé avec Jean Bernard. L'ACB s'était engagé à construire un centre de recherche sur le cancer, mais nous ne savions pas trop où l'implanter. Finalement, Mathé a réussi à faire affaire à Paul Brousse à Villejuif, un hôpital revenu dans le giron de l'AP Comme crédit, il n'avait que sa rémunèration puisqu'il n'était pas médecin des hôpitaux. Mais il a su tirer des fonds de partout, de la Caisse d'Epargne de Paris, de la DGRST ou de l'Inserm. En fait, nous ne lui avons donné qu'un label et des boursiers quand nous en avions. Il faisait de la politique, fréquentant aussi bien le secrétaire général du PCF que les milieux gaullistes. En réalité, c'est la DGRST a joué le rôle le plus important dans l'installation de son Institut de cancérologie et d'immunogénétique et, lorsqu’il est devenu conseiller du ministre Raymond Marcellin, il a fait transformer l'INH en Inserm.
Pourquoi Eugène Aujaleu a-t-il été nommé directeur de l'Inserm ?
Parce qu'il avait été débarqué de la Direction générale de la santé, cette fameuse 'DGS' dont il avait fait une toute puissance! Auparavant, cette direction du ministère de la Santé s'appelait 'de l'hygiène sociale'. Voici comment les choses se sont passées. Eugène Aujaleu était médecin militaire à la Salpétrière et il s'est retrouvé par hasard en Algérie en 1942, au moment du débarquement américain. Cela lui a permis de regagner la France à la Libération, d'une façon, je dirais, honorable. La Santé manquait de cadres, on a donc mis Boidet qui était un peu fatigué à la direction des hôpitaux (DH) et lui à l''hygiène sociale' qu'il a réorganisé en 'Direction générale de la santé' (DGS). Il faut reconnaitre qu'il avait d'excellentes qualités pour cela, par exemple, il lui revient d'avoir créé la 'protection maternelle et infantile' (la PMI : un réseau de dispensaires en pédiatrie). Il a ainsi fait de la DGS un instrument actif, tellement actif d'ailleurs que cela a fini par inquiéter les hospitaliers qui se sont mis à redouter qu'il ne finisse par démembrer l'hôpital. Je prendrais l'exemple des centres de transfusions sanguine qu'Aujaleu a institué au lendemain de la guerre, mais qui ne font pas partie de l'hôpital, ce qui est idiot. Il était capable de dire que Lyon avait la meilleure administration hospitalière de France, ne serait ce que pour lancer une flêche contre l'Assistance publique parisienne. Lorsque le poste de directeur des hôpitaux (DH) est devenu vacant au ministère, ces derniers ont demandé que le successeur de Boidet prenne aussi la DGS sous sa coupe, c’est dire! Comme disaient les Girondins, Aujaleu n'a eu de cesse de ramener l'AP-HP à un quatre-vingt troisième d'influence! En fait, c'est Eugène Aujaleu qui a fait disparaitre l'autonomie dont nous disposions en matière de gestion du personnel. On sait que Napoléon avait créé l'Internat au sein de l'Assistance publique de Paris. Jusqu'à la réforme Debré, le jury d'internat était formé de médecins nommés par le directeur général de l'AP-HP à l'issue, naturellement, du genre de négociations qu'on imagine entre une aristocratie (les cliniciens hospitaliers) et un pouvoir monarchique (le direction de l'AP). Sur le plan national, l'AP-HP fournissait 95% des troupes mobilisées pour le concours, ce qui est énorme. Mais, à l'occasion de la réforme Debré, à laquelle il a d'ailleurs activement participé, il a ramené l'Assistance publique dans le rang en 'nationalisant' le statut des hospitaliers.
La création de l’Inserm a t-elle influé sur le destin de l’ACB ?
Il est clair que l’Inserm ayant été porté sur les fonds baptismaux par ceux la même qui avaient fondée l’ACB, cela a posé les problèmes de sa finalité. Non que les cliniciens se soient désintéressés de son sort, je dirais même au contraire, mais parce qu’il s’est posé des questions d’harmonisation entre les deux institutions, voire avec le CNRS. Dans les années 1980, à l’époque de Philippe Lazar, l’Inserm a affirmé son hostilité à la double appartenance des chercheurs et la question s’est posée de savoir si nous devions pérénniser le statut de nos boursiers, c’est à dire instaurer un système de ‘résidents de recherche’, ou revenir à notre système de bourses. Pour les hospitaliers, la vocation essentielle de l’ACB restait le domaine qu’ils estimaient insuffisement soutenu par l’Inserm, à savoir la recherche clinique, la recherche faite par des médecins, "une recherche fondamentale non désinsérée des problèmes cliniques" disait Jean Scherrer. Pour cela, à la fin des années 1980, Gabriel Richet a lancé des programmes d’initiation aux modèles expérimentaux utiles à la recherche clinique, comme l’initiation au cathétérisme artériel chronique et aux nouvelles thérapeutiques cardio vasculaires, aux techniques de la micro chirurgie, à l’étude biochimique des glomérules rénales, aux techniques d’angiographie thérapeutique, au métabolisme hépatique, etc.
Les 23 Centres de recherche soutenus par l’Association Claude Bernard au milieu des années 1980
Maladies du sang et virologie expérimentale, Boiron à l’hôp. Saint Louis |
J'ajouterais enfin un facteur qui a largement contribué à faire évoluer l'Association. Le redécoupage administratif de la région parisienne en 1967 à remis en question notre système de financement. Jusque là, la Ville de Paris couvrait 80% de nos dépenses, mais l’éclatement des collectivités héritières de l’ancien département de la Seine a remis en cause cette dotation budgétaire. Il fallait envisager de nouveaux modes de financement, ce qui a été obtenu en grande partie grâce à des conventions passées entre l’ACB et des institutions publiques ou privées comme le ministère de la Santé, l’Inserm, l’ARC, la Fondation de France, mais aussi les firmes Sandoz, Rhône Poulenc, etc… Ainsi, en 1986, alors que nous rémunérions près de quatre cent chercheurs et techniciens, notre budget (74 millions de Francs) se répartissait entre 18 millions en provenance des collectivités locales (dont 84% de la Ville de Paris) et 56 millions abondé par diverses conventions de recherche, soit plus du double en provenance de l'extérieur.