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Robert Debré (1882-1978)

Personnage exceptionnel, le pédiatre Robert Debré est l’un des rares médecins à avoir été à la fois un organisateur du dispositif de santé publique en même temps qu’un remarquable clinicien. A ces titres, on peut le considérer comme l’un des grands modernisateurs dans la France au vingtième siècle. Issu d’une famille de rabbins alsaciens émigrée après la guerre franco prussienne de 1870, Robert Debré a fait ses études de médecine à Paris réussissant l’internat en 1906. Sa thèse de médecine portait sur le traitement de la méningite cérébro-spinale par le sérum anti-méningococcique inventé par le dr. Simon Flexner, le patron du Rockefeller Insitute for Medical Research de New York. Après avoir été mobilisé en 1914 comme médecin-lieutenant dans un régiment d'artillerie, à l’armistice de 1918, il est affecté à la direction de l'institut d'hygiène de Strasbourg.

(extrait de J. Héran, 'Histoire de la médecine à Strasbourg', Strasbourg, La Nuée bleue-DNA, 1997)

Au début des années 1920, lorsqu'il prend la succession d’Antonin Marfan à l’hôpital des Enfants Malades, déjà préoccupé par l'importance du déficit démographique français, il fonde les bases de l'école française de pédiatrie. En travaillant avec le pasteurien Gaston Ramon, il développe la prévention de la rougeole par le sérum de convalescent et il démontre la valeur de la vaccination par l'anatoxine antidiphtérique. Mais son principale sujet de préoccupation est la tuberculose de l'enfance, une maladie dont il démontre avec Marcel Lelong l'inanité d'une transmission héréditaire. Chaud partisan de la vaccination BCG, il mêne ses observations sur les réactions immunitaires à la maladie et prône la pratique de répétition de l'épreuve tuberculinique, la cuti réaction découverte par le pédiatre autrichien Clemens von Pirquet. Afin de parer aux risques de la contagion mère enfant, il fonde avec son confrère Léon Bernard une oeuvre assurant l'élevage des nourrissons à la campagne à l'abri des risques de contagion liés à leur origine familiale. Cette action de santé publique le conduit alors à participer aux travaux du Service d'hygiène de la SDN fondée par le dr. Ludwig Rajchman dont sortira au lendemain de la seconde guerre mondiale le Fond des Nations Unies de Secours à l'Enfance. Simultanément, avec l'aide du gouvernement français, il installe en 1948 le ‘Centre international de l'Enfance’ (CIE), un organisme au sein duquel il travaillera sur le BCG avec René Dubos de l'Institut Rockefeller. Cette année là, il est aussi l'un des premiers cliniciens à effectuer des essais thérapeutiques pour évaluer l'usage de la streptomycine dans les soins aux petits tuberculeux

Robert Debré et Sir A. Flemming, le découvreur de la pénicilline (circa 1950, DR)

Robert Debré est également l'homme qui a pressenti le grand virage de la médecine vers la biologie en introduisant la recherche à l'hôpital. Au milieu des années 1930, grâce à l'aide du gouvernement français et au soutien des fondations nord-américaines (Josiah Macy, Rockefeller) il entreprend d'installer des laboratoires dans la nouvelle clinique pédiatrique de l'hôpital des Enfants Malades que vient de lui construire l'Assistance publique de Paris. Comme il le rappelera plus tard dans ses mémoires : " (à l'époque) nous protestions contre cette expression qui n'est que trop significative d’examens complémentaires en laboratoire, comme s'ils étaient un supplément facultatif à l'étude clinique de l'enfant alors qu'ils constituent dans la médecine moderne un examen fondamental" ('L'honneur de vivre', Témoignage Stock/Hermann, 1974). Ces activités scientifiques prendront une remarquable extension au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Par exemple lorsqu'il envoie l'un de ses internes aux Etats-Unis, Alexandre Minkowski, s'initier aux techniques modernes de la périnatalité ou lorsque il installe aux Enfants Malades le laboratoire d'un autre de ses internes, Georges Schapira, faisant de la clinique pédiatrique le berceau de la biochimie, puis de la génétique médicale en France.

La nouvelle clinique de l'hôpital des Enfants malades à Paris, 6ème ardt.(photo AP-HP)

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Robert Debré avait imaginé une profonde refonte du système médical qui verra son aboutissement en 1958 lors du retour au pouvoir du Général de Gaulle. Quelque peu mis sur la touche par le régime de Vichy du fait de ses origines, il a présidé le Comité national de la Résistance dans lequel se discute un ambitieux programme de modernisation du système de santé dont une première conséquence est l’installation en 1944 d'un grand ministère de la Population et de la Santé. En 1954, à l’instigation de Jean Dausset, le gouvernement Mendès France réunit un ‘Comité interministériel pour la réforme des études médicales’ qu’anime Robert Debré jusqu’aux ordonnances du 30 décembre 1958 qu'il obtient grâce à la nomination de son fils Michel Debré comme Premier ministre et malgré les campagnes de certains de ses confrères, comme le pr. Pierre Mollaret, qui lui reprochent de ´ de vouloir faire périr l’élite' (!). En effet, en attaquant les privilèges de la médecine libérale, la réforme Debré a réalisé l’intégration de la Faculté de médecine et du système hospitalier en introduisant dans des ‘Centres hospitalo universitaires’ (CHU) le fameux ´ bedside teaching by full time practitioners ' préconisé par le réformateur Abraham Flexner aux Etats-Unis un demi-siècle plus tôt.


J. Dausset et R. Debré aux Madères, la propriété de ce dernier en Touraine, circa1970 (DR)