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Philippe Laudat

Philippe Laudat naît en 1930. Docteur en pharmacie en 1959, il entre alors à l'Institut national d'hygiène (INH), dans le service du Professeur Lucien de Gennes et oriente sa carrière vers l'endocrinologie. En 1962, il crée un groupe de recherche sur le métabolisme des lipides. Devenu directeur de recherche, spécialiste de l'endocrinologie-nutrition et de la neurologie-biochimie, dans le domaine pathologique, son travail le plus important a trait à la maladie de Refsum.

En 1974, Philippe Laudat est nommé directeur scientifique de l'Inserm auprès de Constant Burg qui en est le directeur général. Il crée les conférences annuelles de Seillac qui rassemblent des scientifiques de plus haut niveau.

Le 12 février 1979, Philippe Laudat est nommé Directeur général de l'Inserm. Il mobilisera son énergie de chercheur et d'organisateur pour que l'Inserm confirme l'image d'excellence déjà acquise au plan international. En1982, Philippe Laudat démissionne de ses fonctions.

En 1985, il est élu au Conseil exécutif de la Fondation européenne de la science. En 1986, il est nommé Conseiller pour les affaires médicales auprès du Ministre des affaires étrangères.

Le 30 juillet 1987, la mort interrompt brutalement son œuvre.

 

Le Matin 10 janvier 1981

Recherche médicale : douze secteurs prioritaires cette année
La santé publique et la biotechnologies seront privilégiées à l'Inserm

Douze secteurs de recherche seront privilégiés cette année à l'Inserm a annoncé hier Philippe Laudat, directeur général de cet organisme. L'effort sera particulièrement accentué pour la santé publique et la biotechnologie, l'immunologie et le médicament. Enfin, l'Inserm développera la recherche clinique, celle qui est faite au lit du malade, et qui reste la parente pauvre de la recherche médicale en France.

Les mots cancer, maladies cardio-vasculaires, affections ostéo-articulaires (rhumatismes) ne figurent pas dans les secteurs privilégiés pour 1981. « Cela ne veut pas dire qu'ils ne doivent pas rester une préoccupation majeure et constante des chercheurs », dit Philippe Laudat.
« Mais ces mots ne doivent pas suffire, à eux seuls, à justifier des financements priviIégiés. Chacun d'eux recouvre en effet une série de recherches très diverses. L'effort qui sera fait dans onze secteurs privilégiés devra concourir à l'innovation dans ces trois grands domaines qui représentent les principales causes de mort et de maladie pour les Français. »

Aliments et nutrition, biologie cellulaire et moléculaire, biotechnologie, immunologie, médicament, physicochimie des biosystèmes, recherche clinique, régulation de processus physiologiques et pathologiques, reproduction et développement, santé mentale et neurosciences, santé publique, administration de la recherche : ces douze secteurs ont été retenus, au terme d'une réflexion menée par le conseil scientifique, assisté de différents groupes de travail. C'est parmi eux que seront répartis les 55 nouveaux postes de chercheurs et les 35 nouveaux postes d'ingénieurs, techniciens et administratifs créés cette année. Ils bénéficieront aussi de l'effort financier qu'autorise l'augmentation du budget de l'Inserm pour 1981 (+ 21,7 %).

L'effort sera particulièrement accentué pour la santé publique (+ 88 % en contrats de recherche et + 29 % en crédits de fonctionnement), ce qui répond à une demande du ministère de la Santé, et en biotechnologie (doublement des contrats et augmentation de 29 % des crédits de fonctionnement), un secteur peu développé jusque-là et dont le Gouvernement a fait un objectif prioritaire. Le médicament (également une priorité du Gouvernement) est bien placé (+ 59 % pour le financement des contrats). L'immunologie, secteur déjà important, reçoit encore une forte impulsion (+ 42 % en fonctionnement et + 35% en contrats de recherche), alors que la santé mentale (+ 29% en fonctionnement) ne voit pratiquement pas augmenter ses contrats.

Du côté de la recherche clinique, l'accroissement est d'autant plus spectaculaire qu'il n'y avait pas grand chose jusqu'à présent. Mais Philippe Laudat a précisé son intention de poursuivre le redressement dans ce secteur.

Sur le plan administratif, le directeur de l'Inserm a annoncé une opération de décentralisation qui sera terminée à la fin de l'année et la création d'une « cellule de valorisation de la recherche » chargée de prospecter, dans les laboratoires, les travaux qui peuvent conduire prochainement à une innovation.

Du côté des chercheurs, les orientations retenues pour 1981 suscitent des protestations : les syndicats s'inquiètent de voir l'Inserm aligner ses objectifs sur ceux du Gouvernement, qui privilégie les secteurs à retombée industrielle, et ils redoutent que des pressions s'exercent sur les chercheurs pour les contraindre à se reconvertir dans des secteurs prioritaires, au détriment d'un développement harmonieux de la recherche. Ils dénoncent le blocage des carrières des ingénieurs et techniciens et le déclassement d'un grand nombre.

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L'Inserm prépare une révolution


Grâce aux orientations du VIIII Plan qui mettent l'accent sur le développement de la recherche, l'Inserm envisage maintenant l'avenir avec un réel optimisme.

Avec quelque 3 400 employés, dont plus de 1200 chercheurs, un budget qui s'élève pour cette année à 751 millions de francs, l'Inserm s'impose en leader incontesté et incontestable dans le domaine pluridisciplinaire de la recherche médicale, une fonction phare qui contraint l'organisme à produire à un rythme relativement soutenu des résultats positifs tangibles.

D'autant que la concurrence étrangère américaine japonaise ou britannique, aiguisée par un potentiel matériel sophistiqué et abondant, fait rage.

C'est le bilan de deux années d'activités, tant au niveau de la coopération restreinte entre les différents centres de recherche de l'organisation interne de l'Inserm qu'au niveau des résultats purement scientifiques, que vient de dresser le Dr Philippe Laudat, directeur général de l'Inserm, en compagnie du Dr Pierre Douzou, président du conseil scientifique de l'Inserm (celui-là même qui a mené à bien le « Livre blanc » de la recherche, base de débat pour le Gouvernement dans ce domaine lors des discussions du VllIè Plan).

Un bilan de fonctionnement et un bilan scientifique qui conduisent immédiatement à des perspectives pour les dix prochaines années, porteuses de promesses sur le plan médical, puisque la biologie cellulaire devrait conduire à une véritable révolution, aussi bien au niveau diagnostique que thérapeutique.

Philippe Laudat a dressé le bilan des activités de l'Inserm en toute humilité. L'actuel directeur, à la tête de la gestion de l'établissement depuis deux ans, a avoué les « promesses non tenues ».

Le saupoudrage, c'est fini !

Il y a deux ans, en effet, devant le foisonnement des organismes de recherche et d'instances privées et publiques religieusement cantonnées dans leurs domaines respectifs de recherche et vivant dans une stricte autarcie, un décloisonnement indispensable et imminent avait été envisagé comme prioritaire. C'était compter sans la rigidité des structures en place. Le décloisonnement devait voir le jour, mais partiellement, entre l'université et le monde médical. Si des postes d'accueil ont bien été créés pour les universitaires à l'intérieur des hôpitaux, l'espoir d'une réciprocité s'est envolé au fil des mois.

Entre recherche publique et recherche industrielle, le lancement de contrats triangulaires (Inserm, entreprise privée, entreprise publique) s'est peu à peu transformé en de trop rares réalités. Depuis janvier 1980, un chercheur du secteur privé a le loisir de travailler trois années durant dans le secteur public avant de réintégrer son entreprise première. Seuls 14 chercheurs de haut rang sont ainsi passé, l'an dernier, du secteur industriel au secteur public,

Enfin des programmes de recherche coordonnée dans le domaine du génie biologique et médical ont pu être réalisés entre les « ennemis », jadis jurés, privé et public.

Sur 320 programmes de recherche reçus à l'Inserm à la suite d'un appel d'offres lancé en juin dernier, 50 sont mixtes.

Cellule de valorisation

Une coopération qui a le mérite d'aller plus loin que la simple osmose entre organismes privés et publics en France, puisque la coopération internationale se développe enfin elle aussi. Vingt et un pays sont concernés par des programmes déterminés, pour 73 demandes de contrats de recherche coordonnée. « L'époque du "saupoudrage", qui nuit à l'efficacité, est terminée » a conclu sur ce point Philippe Laudat.

Le Gouvernement qui a choisi d'encourager la recherche, dans l'élaboration du VIllè Plan, ne pouvait faite moins que de revaloriser de façon conséquente, inflation oblige, le budget de l'Inserm qui progresse de près de 21 % par rapport à celui de l'an dernier Cinquante-cinq postes de chercheurs seront créés cette année. Compte tenu des départs à la retraite et autres mutations, 120 postes seront à répartir suivant les 11 secteurs privilégiés (immunologie, santé publique, médicament, aliment et nutrition ... ), avec comme préoccupation constante pour les chercheurs le progrès à accomplir dans le traitement et la connaissance des cancers, des maladies ostéo-articulaires et cardiovasculaires, qui ne constitueront pas des domaines de recherche particuliers à l'Inserm. Un secteur sera particulièrement sujet à financement, celui de la recherche clinique.
Un nouvel appel d'offres de programmes sera d'ailleurs lancé le mois prochain, tandis qu'un nouvel organigramme de l'Inserm se mettra, en place, destiné à assouplir les structures internes de l'établissement.
Enfin, innovation non négligeable, une cellule de valorisation de la recherche médicale se mettra en place qui aura pour tâche unique et primordiale la communication à tous les chercheurs des progrès accomplis pour mettre un terme à la « confidentialité » actuelle des découvertes françaises.

Biologie moléculaire et cellulaire

En matières de découvertes, il y a, pour le public, de quoi rêver. Les propos de Pierre Douzou ont été optimistes à souhait. A l'honneur : la recherche cellulaire. La cellule va peu à peu constituer l'équivalent du tube " à essai " a-t-il annoncé, une cellule que l'on va pouvoir isoler, maintenir en survie, exploiter. La cellule sera, d'ici a une dizaine d'années, le lieu privilégié de l'exploration grâce à l'utilisation des fibres optiques, des micro-systèmes d'investigation, des micro-injections, des sondes, grâce à toutes une technologie instrumentale qui commence de relever et relèvera de plus en plus de la spectrométrie, de l'électronique, de l'informatique. La miniaturisation des techniques d'investigation permettra d'étudier des activités métaboliques ou hormonales, de doser des récepteurs, dans des cellules isolées. La technique de la micro-injection de molécules biologiques ou de gènes purifiés sera profitable, par exemple à la virologie.
En endocrinologie, les principaux problèmes posés par la nutrition, les maladies métaboliques, le contrôle de la croissance de l'individu seront en partie résolus par la connaissance approfondie des régulateurs d'hormones.
La biologie moléculaire permettra aussi de comprendre mieux la biologie de la reproduction et du développement du fœtus humain dans son milieu, des échanges entre la mère et le fœtus.
" Le cancer lui même prend un nouvel éclairage " a insisté Pierre Douzou, puisque la cellule maligne devient un outil pour les chercheurs. Des bactéries sont programmées de façon à produire ensuite des substances indispensables comme l'insuline ou l'interféron. L'étude de la cellule autorisera la connaissance de l'individu dans son développement intégral, de sa conception à sa mort, a poursuivi le directeur général de l'Inserm. Le phénomène du vieillissement a son origine dans la conception de la cellule initiale, à la naissance. La reconnaissance de phénomènes réversibles et de phénomènes irréversibles, catalogués, répertoriés, permettra d'agir sur les phénomènes réversibles et de freiner les phénomènes non réversibles.
Ce pouvoir de régulation de la cellule aura le même rôle prépondérant en immunologie, en neurologie, autant de spécialités qui au niveau de la recherche, du moins, se trouveront décloisonnées.

Humanisation des actes médicaux

Le médicament lui-même sera produit par des cellules bactériennes et non plus composé exclusivement de substances chimiques. La pharmaco-génétique, qui constitue encore en France un domaine presque inexistant, mais qui étudie les raisons des variations individuelles de réponses aux traitements thérapeutiques, sera développée.

Complément indispensable à une bonne recherche biologique de base, la recherche clinique et la recherche en santé publique seront encouragées. « Une bonne investigation clinique », a poursuivi Pierre Douzou, devra engendrer de meilleurs soins, délivrés plus tôt grâce à la prévention et à moindre prix. « On peut attendre une véritable révolution dans la découverte et le traitement des maladies, dans l'humanisation de certains actes médicaux, dans la réduction du prix et dans la découverte de nouveaux médicaments » a poursuivi Pierre Douzou. On estime, par exemple, qu'au rythme actuel des progrès réalisés, l'informatique, à l'aube de l'an 2000, pourra fournir des fonctions mille fois plus complexes pour un prix de revient cent fois plus faible. On sait aussi que les explorations du corps humain grâce à des techniques non destructives portent en elles la promesse de I'humanisation tant attendue des actes médicaux. Un seul élément pourrait remettre l'ensemble de l'édifice en cause : que les pouvoirs, publics, pour une raison quelconque, abandonnent ou modifient leur politique d'aide à la recherche médicale.

Sylvie Vormus

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Le monde 30 mars 1979

Le nouveau Directeur général de l'Inserm veut développer la recherche sur les maladies mentales, la nutrition, la microbiologie et l'épidémiologie

Philippe Laudat, nouveau directeur de l'Inserm a présenté mercredi 28 mars devant la presse les priorités de l'action qu'il entend mener a la tête de l'Institut.
Déplorant la faiblesse des liens qui unissent, en France, les secteurs public, universitaires, privés et industriel de la recherche, Philippe Laudat a, notamment, rappelé que Constant Burg, son prédécesseur, avait pris des mesures visant à favoriser l'accueil dans les laboratoires de l'Inserm de chercheurs universitaires ou hospitalo-universitaires, ou de médecins en cours de formation, dans le cadre de l'internat des hôpitaux. «Ces postes d'accueil», a-t-il ajouté, «ont eu un très grand nombres de succès et je m'efforcerai d'en multiplier le nombre. Il ne me paraît pas normal», a-t-il poursuivi, «qu'un chercheur hautement spécialisé dans un domaine et qui pourrait faire profiter de ses connaissances des étudiants du niveau du troisième cycle ne puisse le faire qu'a la sauvette, en fraude pratiquement, sous prétexte qu'aucune passerelle n'existe entre l'université et l'Inserm.
De même, il ne paraît pas du tout souhaitable qu'un chercheur médecin, très bien formé par l'internat et le clinicat, mais qui a opté pour la carrière de chercheur, ne puisse plus jamais avoir accès aux malades dans un service hospitalier». En outre, les liens entre la recherche publique et l'industrie restent insuffisants», a noté Philippe Laudat, avant de déclarer : «j'entends mettre en place, dès cette année, les contrats de recherche avec l'industrie, mais je précise que ce type de contrat ou ce type de relation avec le milieu industriel n'aura jamais lieu qu'à la demande du chercheur » .
D'autre part, le nouveau directeur de l'Inserm a énuméré les secteurs de la recherche qu'il lui paraît impératif de développer. La recherche sur les maladies mentales, a-t-il relevé, reste notoirement insuffisante, car il s'agit d'un «problème majeur» de notre temps ; de même, le domaine de la nutrition est encore trop largement inexploré et l'Inserm, sur ce point, possède «un potentiel très faible». L'épidémiologie ne dispose que de moyens trop modestes, ainsi que la microbiologie pour laquelle la France doit combler son retard, notamment par rapport aux Etats unis et au Japon. Reste le génie biologique et médical pour lequel il faut concevoir et réaliser des appareillages nouveaux… : «dans nos laboratoires, 90 % des équipements viennent de l'étranger, même les plus simples».
Le domaine du médicament, notamment la pharmaco-toxicologie, reste en France a encore noté M.Laudat, d'une grande pauvreté, alors que notre pays compte un nombre impressionnant de chaires dans cette discipline. Enfin, la recherche clinique, a conclu Philippe Laudat, est insuffisamment développée, de même que le vaste secteur de l'économie de la santé.

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Le Quotidien du médecin
29 mars 1979

Le nouveau Directeur général de l'Inserm veut décloisonner la recherche

Nommé récemment Directeur général de l'Inserm, Philippe Laudat a précisé, au cours d'une conférence de presse, les grandes lignes du programme qu'il a défini pour les années à venir.

Après avoir énuméré les principales priorités, le directeur de l'Inserm a souligné que, dans le domaine de la recherche, la qualité devait dominer la quantité.
Il ne faut pas oublier que le sigle Inserm comporte le S de «santé». Aujourd'hui, ce mot a pris un sens particulier : les jeunes veulent devenir adultes de plus en plus tôt, tandis que les adultes refusent la vieillesse, voire la mort. De plus, nous voulons bénéficier d'une harmonie corporelle, ce qui conduit parfois à une demande surabondante de soins.

Le système de santé français est trop compartimenté, déplore Philippe Laudat. Le secteur privé est important et comprend aussi bien les hôpitaux, les cliniques, les laboratoires que l'industrie. Quant au secteur public, il est constitué par les universités, les centres hospitaliers et les différents organismes. Ces différents groupes de travail sont séparés par de véritables murs. Pour tenter de les faire tomber, l'Inserm prévoit de créer des postes d'accueil destinés à favoriser le travail d'hospitaliers (assistants, internes). Ces postes pourront accueillir aussi bien des hospitaliers médecins, psychiatres que pharmaciens. Malheureusement, constate M. Philippe Laudat, la réciproque n'est pas vraie.

En ce qui concerne la séparation entre le secteur public et le secteur privé, il est intolérable que ces deux mondes se côtoient tout en s'ignorant. Pour remédier à cet état de fait, l'Inserm a décidé la création de contrats avec l'industrie, ceux-ci ne pouvant être pris qu'à l'initiative exclusive des chercheurs. Actuellement, il existe parfois des coopérations entre les deux secteurs, mais elles ne sont pas officielles. Désormais, les contrats permettront aux chercheurs de travailler pendant un temps limité (pouvant atteindre six ans) dans l'industrie privée, tout en conservant leur ancienneté dans leur organisme de recherche d'origine. Philippe Laudat attend beaucoup de cette expérience, dont le principe a-été bien accueilli par l'industrie.

Enfin, dans le domaine de l'amélioration des relations, l'Inserm a signé des accords avec la plupart des pays «surdéveloppés», afin de favoriser les échanges entre les chercheurs. Ces échanges se font déjà avec les Etats-Unis, le Japon, la Grande-Bretagne, la Belgique, la Suède et Israël; mais le nombre de postes doit être augmenté.

Les objectifs prioritaires
Philippe Laudat a ensuite précisé quels seraient les objectifs prioritaires dans les années à venir. A l'intérieur même de cette énumération, il est impossible de dire lequel de ces objectifs sera le plus important. En tout premier lieu, l'effort de l'Inserm doit porter sur la santé mentale, problème majeur de notre temps. A cette occasion, Philippe Laudat a pu constater avec satisfaction qu'à l'occasion du récent appel d'offres pour une ATP (action thématique programmée) portant sur l'étude de la schizophrénie, l'Inserm a reçu de nombreuses propositions de coopération entre des chercheurs neurobiologistes, psychiatres et psychanalystes.

La nutrition doit constituer un deuxième objectif prioritaire. En effet, il existe très peu de travaux s'intéressant à la pathologie de la nutrition: pourquoi prend-on tel aliment à la place d'un autre, quelle pourrait être la meilleure alimentation... ? Dans ce domaine, l'Inserm doit également renforcer ses liens de coopération avec l'lNRA (Institut national de la recherche agronomique).

Un autre secteur doit être développé, c'est celui de la microbiologie, considérée non seulement dans son sens traditionnel, mais également comprenant le secteur des recombinaisons génétiques, dont on sait qu'il peut avoir de nombreuses retombées dans le domaine de la santé et de l'industrie. Il faut tenter de combler le retard de la France, qui compte trop peu de microbiologistes, alors que le Japon, par exemple, en a 1 800.

Le génie biologique et médical est une priorité déjà ancienne. Elle sera maintenue. Philippe Laudat définit ce secteur de la recherche : «il s'agit d'une part de concevoir, de créer, de réaliser des prototypes d'appareillage (par exemple prothèse ou instrument de laboratoire). D'autre part, il faut que l'Inserm incite les industriels à s'intéresser à la fabrication de matériel scientifique déjà existant, mais dont le marché est actuellement entre les mains de firmes étrangères.»

La pharmacotoxicologie doit donner lieu à de nouveaux contrats, d'autant plus que la France est l'un des pays qui a le plus de chaires de cette discipline. ,

l'Inserm veut promouvoir la recherche clinique. Celle-ci concerne aussi bien l'homme normal que l'homme malade. Pour cela, il faut en particulier que les chercheurs qui reviennent d'effectuer des stages à l'étranger, et notamment aux Etats-Unis, puissent trouver des postes d'accueil en France.

L'économie de la santé est un souci majeur de l'époque actuelle. M. Philippe Laudat précise que l'Inserm doit s'attacher essentiellement à résoudre les problèmes à court terme et donne comme exemple les «abus» de prescription d'examens de laboratoire induits par une certaine routine. L'épidémiologie, enfin, doit constituer un des objectifs prioritaires.

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Le Monde 22 janvier 1982

M. Philippe Laudat directeur général de l'INSERM donne sa démission

Dr ESCOFFIER-LAMBIOTTE

Dans sa lettre de démission, M. Laudat écrit notamment : " Pendant trois années, je pense avoir accompli ce qui m'était assigné avec honnêteté et conduit l'organisme jusqu'au colloque national de la recherche et de la technologie. De profondes réformes de structures, de procédures, vont désormais être élaborées et mises en application dans les divers organismes de recherche. Il ne serait pas conforme à mon éthique personnelle de voir celui qui s'est attaché à mettre en œuvre avec énergie, au mépris parfois de sa conviction profonde, les réformes proposées par vos prédécesseurs, appliquer une politique sensiblement différente. " " J'estime donc aujourd'hui ma mission terminée " conclut M. Laudat en rappelant son " profond et sincère dévouement à la cause de l'État ".
M. Jacques Latrille, directeur du cabinet de M. Ralite, nous a déclaré que " la démission de M. Laudat n'a été ni souhaitée ni même suscitée directement ou indirectement ". " Nous avions demandé à M. Laudat de tenir compte de la politique nouvelle définie à la suite des assises et du colloque sur la recherche, et c'est tout. " Le ministère de la santé n'a pu donc qu'enregistrer avec surprise et regret ce départ, et cela d'autant plus que la coopération avec l'INSERM et son directeur avait été bonne depuis mai dernier.
" Je crains que le type de politique que l'on veut mener ne permette pas d'assurer la qualité de la recherche ", explique, pour sa part, M. Laudat. Estimant que la France ne dispose pas de ressources illimitées en hommes et en financement, il juge, en effet, qu'il importe de choisir les thèmes de recherche les plus importants et les hommes les plus compétents, et de consentir, à leur égard, des efforts exceptionnels.
C'est dans cet esprit qu'il avait créé des " programmes de recherches coordonnées " soumis au jugement de comités scientifiques internationaux. Le fait que les membres des commissions scientifiques de l'INSERM aient critiqué cette méthode et aient exigé, en juillet dernier, que ces programmes leur soient également soumis, lui inspire des craintes sur la nécessaire objectivité qui doit présider à la répartition des fonds.
Il redoute, en somme, que l'on ne s'oriente vers un saupoudrage des crédits et que les médiocres ne reçoivent à l'avenir autant que les meilleurs.
Cet argument est fondé, aux yeux de M. Laudat, sur les perspectives qu'ouvrent, après le colloque sur la recherche, les structures nouvelles des instances administratives et des commissions scientifiques de l'INSERM. La large participation des usagers ou des personnels administratifs, techniciens ou ingénieurs, à ces instances lui fait craindre qu'elle ne s'inspire à l'avenir, pour les répartitions de crédits, de considérations plus politiques que scientifiques.
Le professeur Latrille pense que la présence, dans les commissions, de personnels extérieurs, usagers ou travailleurs de la recherche, qui ne sont pas directement intéressés, pourrait moraliser des pratiques trop fréquentes d'auto-distribution des fonds et y apporter plus de clarté et de transparence.
Il n'en exclut pas, pour autant, la possibilité de solliciter l'avis d'experts étrangers pour des programmes concertés, précis, lancés sur des thèmes d'intérêt national.
Ces " actions concertées " ne différeraient de celles conçues par M. Laudat que par leur limitation en nombre, leur durée plus longue pour que leurs participants s'y attachent réellement, leur caractère pluridisciplinaire associant aux fondamentalistes des spécialistes de différentes disciplines pour intégrer à ces recherches une dimension politique (au sens de politique de la santé) et d'intérêt public.
Il est, à l'évidence, entre ces deux positions de multiples convergences. Aux doutes qu'émet le professeur Laudat sur la possibilité de moraliser les modes de financement de la recherche, le professeur Latrille répond qu'" il n'est pas interdit de rêver ni de penser que le rêve est devenu réalité ". Il ajoute que, jamais auparavant, la recherche n'aura bénéficié d'un tel intérêt national et de crédits aussi importants. Les divergences paraissent, en effet, minimes, mais le malaise éprouvé par M. Laudat a, sans doute, des sources profondes.
Directeur scientifique de l'INSERM depuis 1975, puis nommé directeur général le 12 février 1979 au départ du professeur Burg, le professeur Laudat tient sa démission pour définitive et n'a " aucun point de chute ". " On paie cher sa liberté, conclut-il, mais on peut choisir son moment. "En somme, convaincu, à tort ou à raison, que son éthique de la recherche scientifique ne lui permettrait pas d'assumer les nouvelles structures de la nouvelle politique mise en place, il préfère se retirer. Même si les faits devaient dans l'avenir infirmer ses craintes.