NOTICE BIOGRAPHIQUE de J-F BACH (http://infodoc.inserm.fr/histoire)
Voir aussi un entretien avec Jean-François Bach, nov. 2000 (S. Mouchet, J.-F. Picard)
Jean-François Bach est né le 8 juin 1940 à Yvré l'Evêque (Sarthe). Il a mené ses études secondaires au lycée Louis-le-Grand et supérieures aux facultés de médecine et des sciences de Paris. Docteur en médecine et docteur ès sciences.
Carrière hospitalo-universitaire et de recherche
Interne des hôpitaux de Paris (1963), chef de clinique (1969), docteur en médecine (1969), docteur ès sciences (1970), professeur agrégé (1981), professeur d'immunologie titulaire (1984).
Successeur, en 1983, de Jean Hamburger à la direction de l'unité Inserm 25 de recherches en immunopathologie et néphrologie (1983-1988), puis de recherches sur les maladies auto-immunes : génétique, mécanismes et traitements (1989-2003).
Directeur du DEA d'immunologie de l'université Paris V (1998-2004), codirecteur du master d'immunologie des universités Paris V et Paris VII (2004-).
Sociétés savantes – Académies
Vice-président de la Société internationale de transplantation (1995-1996), président du comité d'immunologie clinique de l'International Union of Immunology Societies (2000-2002), membre de l'International Myasthenia Gravis Foundation.
Membre de l'Académie des sciences, Institut de France (1985), secrétaire perpétuel depuis 2005, membre de l'Académie nationale de médecine (1990), de l'Académie nationale de pharmacie (1990), de l'Académie royale de médecine de Belgique (1994).
Principales autres fonctions
Président du conseil scientifique de l'Institut Gustave Roussy (1981-1987), vice-président du conseil scientifique de l'Institut Pasteur (1982-1984), président du conseil scientifique de la Ligue contre le cancer (1987-1997), vice-président de l'université Paris V (1992-1995), président de la sous-section d'immunologie du conseil national des universités (1995-1997), membre du conseil scientifique de l'Assistance publique (1995-2001), du conseil d'administration de l'Institut Pasteur de Lille (1999-2003).
Actuellement
Vice-président de la Fondation pour la recherche médicale et président du comité de la recherche, membre du conseil d'administration de la Fondation Jean Dausset, du conseil d'administration de l'Association Hubert Beuve-Méry, du conseil d'administration de la Fondation de la Maison de la chimie, secrétaire général de la Fondation Day Solvay, du comité de la sécurité des vaccins auprès de l'OMS.
Activités éditoriales
Rédacteur en chef du Journal of Autoimmunity (depuis 1988).
Distinctions – Prix
Prix de la Société européenne d'investigation clinique (1976), grand prix de l'Académie des sciences - Prix Jaffé (1976), médaille d'or de la Société européenne d'allergologie et d'immunologie clinique (1978), prix du rayonnement français pour les sciences physiques et médicales (1981), prix Antoine-Laurent Lavoisier de l'université de Californie (1993), prix de l'Institut des sciences de la santé (1998), prix Barbara Davis de l'Université du Colorado (2000).
Chevalier de la légion d'honneur, officier de l'Ordre national du mérite.
Principales contributions scientifiques
C'est dans le champ de l'immunologie que les recherches de Jean-François Bach se sont développées. Ses travaux ont été, avant tout, d'ordre expérimental chez la souris (les souris lupiques NZB et les souris diabétiques NOD notamment, remarquables modèles spontanés de maladies auto-immunes), avec, chaque fois que cela s'est révélé possible le transfert des résultats obtenus chez l'animal aux maladies humaines, notamment pour ce qui concerne les nouvelles stratégies d'immunothérapie. C'est de cette intrication entre la recherche fondamentale, ses concepts et ses techniques, et l'investigation clinique que découlent les progrès de la connaissance médicale.
« C'est Jean Hamburger qui m'a imprégné, au tout début de ma carrière scientifique, de sa vision moderne de la recherche médicale. J'ai eu la chance de m'y engager, alors que les bases fondamentales de l'immunologie cellulaire commençaient tout juste à être appréhendées » dit Jean-François Bach. Et il poursuit : « Le développement rapide de cette nouvelle discipline m'a permis de m'entourer, au cours des quatre décennies de ma carrière, d'un nombre important de jeunes chercheurs grâce auxquels notre groupe a pu établir et maintenir jusqu'à aujourd'hui une présence internationale ».
Découverte de la thymuline, une hormone produite par le thymus
Depuis la fin des années 1950, on connaissait le rôle majeur joué par le thymus dans la différenciation des lymphocytes T, responsables notamment du rejet des greffes, de la défense contre les virus et contre certaines bactéries. On savait que cette différenciation dépendait d'interactions entre les précurseurs lymphoïdes issus de la moelle osseuse et l'épithélium thymique. Avec ses collaborateurs, Jean-François Bach a démontré l'existence d'une hormone produite par l'épithélium thymique, capable d'induire les principaux marqueurs de différentiation des lymphocytes T à la surface des précurseurs lymphoïdes. Ils ont isolé cette hormone à partir du sang circulant et obtenu des quantités de peptide pur suffisantes pour le séquençage avec les techniques de l'époque. Séquencée par leurs soins en 1977, cette hormone, la thymuline, se révéla être un peptide de neuf acides aminés couplé à du zinc. L'hormone synthétique stimule les réponses immunitaires dans différents modèles in vitro et in vivo. Ils ont démontré son activité thérapeutique chez l'homme et dans certains déficits immunitaires et dans la polyarthrite rhumatoïde. Plus récemment, et de façon inattendue, il est apparu que la thymuline et certains de ses analogues ont une puissante activité analgésique au point que des développement pharmaceutique psont en cours pour cette indication.
Mise en évidence du rôle des cellules T régulatrices dans le contrôle de la reconnaissance du soi (l'auto-immunité)
Il existe chez tout individu normal des cellules T autoréactives reconnaissant des antigènes du soi propres aux différents tissus de l'hôte. La question était de savoir comment cette autoréactivité était compatible avec l'absence de manifestations pathologiques en dehors des cas de maladie auto-immune avérée. Jean-François Bach et son équipe ont été les premiers à montrer, au début des années 1980, que le principal mécanisme expliquant ce paradoxe est lié à l'existence de sous-populations de cellules T régulatrices qui s'opposent à la différenciation des cellules T pathogènes responsables des maladies auto-immunes. Ces observations, qui furent initialement obtenues dans le diabète auto-immun insulinodépendant chez la souris, s'opposaient, à l'époque, au dogme selon lequel l'absence d'auto-immunité chez les individus sains ne pouvait s'expliquer que par l'élimination ou la paralysie des cellules T autoréactives pathogènes. [Désormais, le concept d'immunorégulation est bien établi et fait l'objet d'un très grand nombre de recherches fondamentales et appliquées.] Jean-François Bach et son équipe ont poursuivi la caractérisation phénotypique et fonctionnelle des cellules T régulatrices intervenant dans le contrôle du diabète, de la gastrite et de la colite d'origine auto-immune. Ils ont récemment montré que, de façon surprenante, des sous-populations distinctes de cellules T régulatrices contrôlent la survenue de ces trois maladies. Ils ont également commencé à décrypter les gènes et les molécules impliqués dans ces phénomènes d'immunorégulation.
Un nouveau traitement du diabète insulinodépendant
Le traitement de cette affection, fréquente et sévère, est encore uniquement palliatif, reposant sur l'administration chronique d'insuline, mais incapable aujourd'hui d'en prévenir les complications dégénératives, notamment vasculaires. La mise en évidence de l'origine auto-immune de ce type de diabète devait logiquement conduire à tenter d'arrêter le cours de la maladie par une action pharmacologique directe sur les lymphocytes T impliqués. En 1985, Jean-François Bach et son équipe ont effectué un essai thérapeutique randomisé, qui, pour la première fois, a démontré de façon incontestable l'efficacité d'un traitement immunosuppresseur (fondé sur l'emploi de la cyclosporine) chez des patients au diabète récemment déclaré. Des rémissions complètes et durables de la maladie furent obtenues. Malheureusement, le maintien des rémissions imposait la poursuite du traitement, ce qui était difficilement acceptable pour des jeunes malades qu'il n'était pas raisonnable d'exposer aux risques d'une immunosuppression prolongée. Ils ont donc recherché de nouvelles méthodes permettant de restaurer la tolérance immunitaire au soi (en l'occurrence, vis-à-vis des antigènes des cellules ß des îlots de Langerhans productrices d'insuline). Ils ont atteint leur but, en 1994, chez la souris NOD, un modèle expérimental de diabète auto-immun. La simple administration pendant cinq jours consécutifs à ces animaux récemment devenus diabétiques d'un anticorps monoclonal dirigé contre la chaîne du complexe CD3 lié au récepteur des cellules T pour la reconnaissance de l'antigène induit leur a permis d'obtenir une rémission définitive de la maladie. Cette rémission fait intervenir pour l'essentiel des cellules T régulatrices du type de celles décrites plus haut, dépendantes d'une cytokine, le TGF-ß (Transforming Growth Factor ß). Ces résultats spectaculaires obtenus chez la souris les a conduits à mettre en place un protocole thérapeutique chez l'homme reposant sur les mêmes principes. Il avaient, depuis longtemps, dans le champ de la transplantation d'organes, étudié le mode d'action et les effets secondaires des anticorps anti-CD3, les premiers anticorps monoclonaux utilisés en thérapeutique humaine quelques années à peine après la découverte des hybridomes. Le fort pouvoir mitogénique des anticorps anti-CD3, à l'origine d'effets secondaires sévères liés à une libération massive de cytokines, rendaient leur utilisation difficile dans les maladies auto-immunes. Grâce à l'accessibilité récente à un anticorps génétiquement modifié non mitogénique, ils ont pu mettre en place un essai randomisé chez 80 patients aux diabètes récemment déclaré. Les résultats de cet essai, qui vont être publiés dans le New England Journal of Medicine, démontrent que l'effet thérapeutique qu'ils avaient décrit chez la souris est retrouvé chez l'homme. 75% des malades traités sont devenus insulino-indépendants et le restent 18 mois après un traitement de seulement une semaine. Cette stratégie, qui ouvre comme espéré la perspective d'une guérison de la maladie, devrait pouvoir être appliquée à la majorité (sinon à la totalité) des malades diabétiques récents, le jour où l'information des médecins et des malades permettra un diagnostic plus précoce de la maladie. Des données expérimentales et cliniques indiquent également que cette même approche pourra être étendue à d'autres maladies auto-immunes, notamment à la sclérose en plaques, à la polyarthrite rhumatoïde, à la maladie de Crohn et au psoriasis.
Rôle de l'environnement dans l'augmentation de la fréquence des maladies allergiques et auto-immunes dans les pays industrialisés
Des arguments épidémiologiques indiquaient depuis plusieurs années que l'augmentation de la fréquence des maladies allergiques et, notamment, de l'asthme pouvait être liée à la diminution des infections observée depuis plus de deux décennies dans les pays industrialisés. Jean-François Bach et son équipe ont réuni un ensemble d'arguments épidémiologiques, cliniques et surtout expérimentaux confirmant cette hypothèse et l'étendant aux maladies auto-immunes, en particulier au diabète insulinodépendant et à la sclérose en plaques. Des expériences réalisées chez la souris NOD ont montré le rôle essentiel joué par la stimulation des récepteurs Toll dans cet effet protecteur des infections. Au delà de l'explication que cette hypothèse apporte à l'augmentation considérable de la fréquence de survenue des maladies allergiques et auto-immunes, et peut-être de certains lymphomes et leucémies, ces observations ouvrent des perspectives thérapeutiques importantes, en fournissant l'espoir de pouvoir substituer aux infections « protectrices » l'administration de produits définis issus d'agents infectieux.
Cet intérêt pour le rôle de l'environnement dans l'étiologie des maladies auto-immunes avait déjà amené Jean-François Bach à mettre en œuvre, et mener à bien, une campagne d'éradication du rhumatisme articulaire aigu aux Antilles françaises, ce qui a permis la disparition de cette maladie en moins de dix années. Cette pathologie était à l'origine de la majorité des affections cardiaques acquises de l'enfant, au point de représenter une des premières causes d'hospitalisation dans les services de pédiatrie. Fait intéressant, dans ce cas particulier, l'environnement ne joue pas un rôle protecteur mais un rôle déclenchant : la maladie est due à l'existence de déterminants antigéniques communs entre les streptocoques et le tissu cardiaque.
Autres contributions
Parmi les autres contributions scientifiques de Jean-François Bach, il convient de mentionner particulièrement :
- La mise en évidence du premier marqueur des cellules T chez l'homme, les rosettes E formées par les hématies de mouton qui se fixent à un récepteur des lymphocytes T que l'on sait aujourd'hui être la molécule CD2
- La démonstration des effets immunologiques de la thymectomie à l'âge adulte. On pensait initialement que seule la thymectomie néonatale influençait les réponses immunitaires. Jean-François Bach a montré que la thymectomie réalisée chez la jeune souris adulte avait des effets importants sur certaines sous-populations lymphocytaires T exprimant des fonctions régulatrices
- La mise en évidence d'un déficit de la sécrétion d'hormone thymique et des fonctions immunorégulatrices dans les maladies autoimmunes, qui contribue à l'émergence et à la chronicité de ces maladies
- La première démonstration de l'association d'une maladie autoimmune, la myasthénie, à un polymorphisme du gène codant pour l'antigène cible, le récepteur de l'acétylcholine
- La mise en évidence de nouveaux gènes de prédisposition au diabète autoimmun chez la souris NOD
- La dissection des spécificités et des activités fonctionnelles des autoanticorps impliqués dans le lupus érythémateux disséminé humain, notamment des anticorps anti-ADN, antinucléosome et anti-protéine 2GP1, dont ils a été le premier à démontrer l'activité anti-coagulante. Ces travaux éclairent la pathogénie de cette maladie autoimmune complexe et sévère dont il apparaît que chaque manifestation pathologique est due à un autoanticorps particulier.