Jacques Monod (1910-1976)
Voir aussi : 'L'ordre biologique' (Science, mai-aout 1966)
Notice Pasteur
Biologiste et biochimiste français né à Paris le 9 février 1910. Son père, Hector Lucien Monod, est artiste peintre. Sa mère, Charlotte Todd MacGregor, américaine, d'origine écossaise, est la seconde épouse de Lucien Monod. Théodore Monod, Daniel Bovet et Noël Rist lui sont apparentés.
1917-1928 Etudes secondaires à Cannes (Alpes-Maritimes).
1928-1931 Etudes de sciences naturelles à Paris. Obtient sa licence en 1931.
08/1929 Stage à la Station biologique de Roscoff dirigée par G. Teissier dont il découvre les travaux. Il y fait la connaissance de J. Cantacuzène , Ch. Pérez et A. Lwoff .
1930-1931 Assistant stagiaire à la faculté des sciences de Strasbourg (laboratoire de Ed. Chatton ), travaille sur les infusoires ciliés.
1932-1934 Entre au Laboratoire d'évolution des êtres organisés (Paris), dirigé par M. Caullery, comme boursier Commercy.
1934 Participe avec Paul Emile Victor à une expédition scientifique au Groënland sur le navire Pourquoi pas ? du commandant J. Charcot.
1934/1945 Assistant au laboratoire de zoologie de Ch. Pérez à la faculté des sciences de l'université de Paris.
01-08/1936 Boursier Rockefeller au California Institute of Technology (laboratoire du Professeur Thomas Hunt Morgan) où il se forme à la génétique.
09/1938 Mariage au Vésinet avec Odette Geneviève Brühl, futur conservateur du Musée Guimet, avec laquelle il aura deux enfants : Olivier et Philippe.
1940 Prend contacts avec des organisations de résistance dont le groupe Nordmann.
1941 Soutient son doctorat ès sciences naturelles à Paris : Recherches sur la croissance des cultures bactériennes. Thèse publiée en 1942 et rééditée en 1958.
1941-1943 Prend contact avec une organisation universitaire de résistance d'inspiration communiste, où il retrouve A. Bussard, et participe à des tâches de propagande.
1943 (septembre ou octobre) Contact avec Marcel Prenant, chef de l'état-major des FTP (Francs-tireurs et partisans), qui le charge de recruter des hommes ayant une formation militaire. Son rôle est ensuite de recevoir et de diffuser des renseignements, puis de planifier des actions de commando.
1944-1945 Délégué par les FTP à l'état-major des FFI (Forces françaises de l'intérieur), devient le chef du 3ème Bureau (opérations). Après la libération de Paris est envoyé en mission auprès du Général de Lattre de Tassigny qui l'engage dans la 1ère Armée française. Participe aux campagnes d'Alsace et d'Allemagne avec la 1ère Armée.
1945/1953 Chef de Laboratoire à l'Institut Pasteur (service de physiologie microbienne dirigé par André Lwoff).
1946-1947 Participe avec A. Lwoff à deux congrès qui vont marquer l'orientation de sa carrière. Le congrès de Cold Spring Harbor, en 1946, où il prend connaissance des travaux de Beadle et Tatum sur la reproduction de Neurospora et de leur hypothèse d'une relation entre gènes et enzymes et, en 1947, le 11th Growth Symposium où il donne une conférence intitulée : The phenomenon of enzymatic adaptation and its bearing on problems of genetics and cellular differentiation.
1953 Chef de Service à l'Institut Pasteur.
1954 Chargé de la création et de la direction du service de biochimie cellulaire à l'Institut Pasteur.
1955 Prix Montyon de physiologie de l'Académie des sciences, Paris (A. Lacassagne a présenté le rapport en faveur de J. Monod devant l'Académie). Autre prix décerné par la même académie : Charles Léopold Mayer (1962).
1956 Participation au premier colloque de Caen sur la recherche et l'enseignement scientifique.
1959 Nommé professeur à la faculté des sciences de Paris (chaire de chimie du métabolisme, devenue chaire de biologie moléculaire le 14 avril 1966).
1961 Nommé vice-président du Comité scientique Biologie moléculaire de la DGRST. Parmi les autres membres du comité : D. Dervichian, R. Latarjet, A. Lwoff, E. Wollman.
14/10/1965 Prix Nobel de physiologie ou de médecine conjointement avec François Jacob et André Lwoff pour leurs découvertes sur la régulation de la synthèse d'enzymes et de virus.
1965 Membre du Conseil scientifique de l'Institut Pasteur.
1966 Président du Syndicat du personnel scientifique de l'Institut Pasteur. Participation au second colloque de Caen sur la réforme de l'enseignement supérieur.
1967 Professeur au Collège de France (chaire de biologie moléculaire). Nommé au Conseil d'administration de l'Institut Pasteur.
1970 Membre fondateur du Salk Institute de la Jolla (Californie) dont il devient Non Resident Fellow à titre permanent. Publie aux Editions du Seuil (Paris) son ouvrage : Le hasard et la nécessité. Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne.
1971 Nommé directeur de l'Institut Pasteur.
1972 Décès de Mme Jacques Monod à Paris.
1973 Nommé professeur honoraire au Collège de France.
1974 Membre du Conseil économique et social.
A partir de 1947 prend position sur de nombreux problèmes politiques : affaire Lyssenko (1947-1949), droits de l'homme, droits de la femme, planning familial, contraception, avortement, racisme, peine de mort, euthanasie, guerre d'Algérie, paix dans le monde, environnement...
31/05/1976 Décès à Cannes.
Principaux travaux de J. Monod et son équipe
1940 - Recherches sur la cinétique et la physiologie de la croissance bactérienne.
1945-1950 - Recherches sur la nature des phénomènes d'adaptation enzymatique.
1956 - Recherches sur les facteurs de perméation spécifique.
1960 - Recherches sur la génétique des enzymes bactériens. Découverte de la régulation génétique.
1963 - Recherches sur les interactions régulatrices dans le contrôle du métabolisme cellulaire (interactions allostériques).
Publications scientifiques en collaboration avec : A. Audureau, D. Blangy, S. Bourgeois, D. Bovet, D. Brown, C. Burstein, H. Buc, A. Bussard, G. Buttin, F. Celada, J.P. Changeux, Ed. Chatton, P. Claverie, G.N. Cohen, G. Cohen-Bazire, M. Cohn, G. Contesse, M. Crépin, P. Drach, M.E. Goldberg, J. Gribetz, F. Gros, D.S. Hogness, M. Hofnung, B.L. Horecker, F. Jacob, M. Jolit, A.Képès, A. Lwoff, M. Morel, F. Morin, S. Naono, Y. Neefs, A.B. Pardee, A.M. Pappenheimer, D. Perrin, M.R. Pollock, H.W. Rickenberg, M. Riley, C. Sanchez, S.
Référence biblio. :
"Hommages à Jacques Monod - Les origines de la biologie moléculaire", Collection Academic Presse, Edition Etudes Vivantes, Paris, 252 p., 1980.
Notice Nobel
Jacques Lucien Monod was born in Paris on February 9th, 1910. In 1917 his parents settled in the South of France, where Monod spent his early years, and he therefore thinks of himself as a Southerner rather than as a Parisian. His father was a painter, something of an unusual vocation for a Huguenot family in which doctors, ministers of the Church, civil servants, and professors predominated. His mother was American, born in Milwaukee, with a father of Scottish descent - again somewhat out of the ordinary considering French bourgeois tradition at the end of the nineteenth century. His secondary education took place at the lycée de Cannes, and he owes a great deal to some of the masters under whom he was fortunate enough to study. Monod in particular recalls Monsieur Dor de la Souchère, well known as the founder and curator of the Antibes museum. Although Monod remembers nothing of the Greek grammar studied under him, the admiration which he soon developed for
this highly cultured and worthy man was of the greatest spiritual benefit for him as a youngster. It is difficult to express just how much Monod owes to his father, who combined artistic sensitivity with prodigious erudition and a passionate concern for intellectual affairs. He had a positivist faith in the joint progress of science and society. It was through his father, who used to read Darwin, that Jacques Monod developed his interest in biology very early in life.
Monod came to Paris in 1928 to begin his higher education, and registered at the Faculty for a degree in Natural Sciences, not realising (as he later found out) that this course was then some twenty years or more behind contemporary biological science. It was from others, a few years senior to himself, rather than from the professional staff, that he gained his true initiation into biology. To George Teissier he owes a preference for quantitative descriptions; André Lwoff initiated him into the potentials of microbiology; to Boris Ephrussi he owes the discovery of physiological genetics, and to Louis Rapkine the concept that only chemical and molecular descriptions could provide a complete interpretation of the function of living organisms.
Monod obtained his Science Degree in 1931, and his doctorate in Natural Sciences in 1941. After lecturing at the Faculty of Sciences in 1934, and spending some time at the California Institute of Technology on a Rockefeller grant in 1936, Monod joined the Institut Pasteur after the liberation as Laboratory Director in Lwoff's Department. He was made Director of the Cell Biochemistry Department in 1954, and in 1959 was appointed Professor of the Chemistry of Metabolism at the Sorbonne. In 1967 he became Professor at the Collège de France, and in 1971 he was appointed Director of the Institut Pasteur.
The following honours and distinctions were awarded to Professor Monod: Montyon Physiology Prize of the Acadèmie des Sciences (Paris, 1955), Louis Rapkine Medal (London, 1958), Honorary Foreign Member of the American Academy of Arts and Sciences (1960), Chevalier de l'Ordre des Palmes Académiques (1961), Charles Léopold Mayer Prize of the Académie des Sciences (1962), Officier de la Légion d'Honneur (1963), Honorary Foreign Member of the Deutsche Akademie der Naturforscher «Leopoldina» (1965), D. Sc. h. c. University of Chicago (1965), Foreign Member of the Royal Society (1968 ), Foreign Member of the National Academy of Sciences (Washington, 1968), Foreign Member of the American Philosophical Society (1969), D. Sc. h. c. of the Rockefeller University (1970). His military distinctions include: Honorary Colonel of the Reserve, Chevalier de la Légion d'Honneur (military) (1945), Croix de Guerre (1945), and the Bronze Star Medal.
In 1938, Jacques Monod married Odette Bruhl, now the curator of the Guimet Museum. As an archeologist and orientalist with the most sensitive and impeccable taste, his wife brought to the marriage a culture complementary to his own. They have twin sons, Olivier and Philippe. Their father did nothing to influence them to become men of science like himself. On the contrary, he made every effort to persuade them that the realm of knowledge and ideas is not confined to the present-day connotation of the word «science». Both of them nevertheless became scientists: one a geologist, the other a physicist. These two sons gave the parents what they lacked before: two daughters, or rather daughters-in-law, and even a grand-daughter with the pretty name of Claire. The interests of Jacques Monod include almost all aspects of Arts and Sciences, his favourite recreations are music and sailing.
From Nobel Lectures, Physiology or Medicine 1963-1970, Elsevier Publishing Company, Amsterdam, 1972
This autobiography/biography was written at the time of the award and first published in the book series Les Prix Nobel. It was later edited and republished in Nobel Lectures. To cite this document, always state the source as shown above.
Jacques Monod died on May 31, 1976.
Voir aussi : J. Monod 'From enzymatic adaptation to allosteric transitions', Nobel lecture, 11 déc. 1965
Notice Wikipedia
Jacques Lucien Monod, né à Paris le 9 février 1910 et mort à Cannes le 31 mai 1976, est un biologiste et biochimiste français de l'Institut Pasteur de Paris, lauréat en 1965 du Prix Nobel de physiologie ou médecine.
Jacques Monod est un descendant du pasteur Jean Monod, apparenté à Théodore Monod, à Jérôme Monod, à Michel Hollard et au réalisateur Jean-Luc Godard. Son fils Philippe Monod est physicien.
Jacques Monod fut résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, tout comme son demi-frère Philippe Monod1.
Il fait l'essentiel de sa carrière au sein de l'Institut Pasteur de Paris et devient professeur à la faculté des Sciences de Paris, puis professeur au Collège de France et enfin directeur de l'institut Pasteur de 1971 à 1976.
En 1965, il reçoit le Prix Nobel de physiologie ou de médecine avec François Jacob et André Lwoff pour ses travaux en génétique. Son livre Le hasard et la nécessité (1970) a eu un très fort retentissement, amenant les débats sur la biologie sur la place publique. Jacques Monod y expose ses vues sur la nature et le destin de l'humanité dans l'univers, concluant ainsi son essai : « L'ancienne alliance est rompue ; l'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'Univers, d'où il a émergé par hasard. Non plus que son destin, son devoir n'est écrit nulle part. A lui de choisir entre le Royaume et les ténèbres. »
Il était proche du philosophe Karl Popper, qui lui dédia l'édition française de 1978 de La Société ouverte et ses ennemis2.
Il adhère au Parti communiste français au sortir de la guerre mais s'en éloignera après quelques années, notamment au moment de l'affaire Lyssenko.
Il est enterré dans le Cimetière du Grand Jas à Cannes.
Les apports de Jacques Monod à la biologie moléculaire sont considérables. Intéressé par la génétique des micro-organismes, il postule puis mettra en évidence l'existence d'une molécule servant de lien entre le génome (ADN) et les protéines : l'ARN messager. Avec François Jacob, corécipiendaire du prix Nobel la même année, il démontre la notion d'opéron dans les bactéries. Un opéron étant une unité génétique composée de plusieurs enzymes dont l'expression est régulée par le même promoteur. La notion de promoteur est aussi due à ces deux scientifiques.
Il élabore en 1965 avec Jean-Pierre Changeux et Jeffries Wyman le concept d'allostérie, un mode de régulation majeur des enzymes. L'article publié dans le Journal of Molecular Biology est l'un des plus cités au monde.
Jacques Monod, François Jacob et André Lwoff ont obtenu le Prix Nobel pour avoir mis en évidence que l'ADN est le point de départ des réactions biochimiques qui, par l'intermédiaire de l'ARN, produisent les protéines nécessaires à la vie des cellules. Pour Monod, l'ADN a le rôle primordial d'un centre de commande dans le métabolisme cellulaire. Avec François Jacob, il est un de ceux qui ont popularisé l'idée qu'un programme génétique est censé diriger la vie et le développement des êtres vivants.
Fort de son succès, il publie un livre, Le hasard et la nécessité, en 1970, dans lequel il écrit le passage suivant : « Il n'est ni observé, ni d'ailleurs concevable, que l'information soit jamais transférée dans le sens inverse (c'est-à-dire de l'ARN vers l'ADN). C'est l'un des principes fondamentaux de la biologie moléculaire. »
Cette affirmation, qui n'est que la reprise du dogme central de la biologie moléculaire énoncé par Francis Crick en 1958, ne s'est pas avérée dans le domaine de la virologie : les rétrovirus, comme le VIH ou le virus de la grippe possèdent une information génétique conservée sous forme d'ARN et rétro-transcrite en ADN au moment de son insertion dans le génome de l'hôte. Cette rétro-transcription est rendue possible par la transcriptase inverse, dont la description a été publiée la même année par Howard Temin. En 1989, l'existence de la transcriptase inverse bactérienne fut confirmée par S. Inouye et W. Maas aux États-Unis.
Distinctions
Croix de guerre en 1945.
Médaille de la Résistance en 1945.
Chevalier de l'Ordre des palmes académiques en 1961.
Officier de la Légion d'honneur en 1963.
Prix Nobel de physiologie ou de médecine en 1965.
Membre étranger de la National Academy of Sciences en 1968.
Bibliographie
Jacques Monod, Le hasard et la nécessité. Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne, Paris, éditions du Seuil, 1970. (ISBN 2-02-000618-9)
Juliette Bourdier, Jacques Monod, religion sans dieux. Paris, Gallimard (1992).
Patrice Debré, Jacques Monod. Paris, Flammarion dans la collection Grandes biographies (1996) - ISBN 2-08-067173-1.