René Leriche
Voir un article de Roselyne Rey, 'René Leriche (1879-1955) une oeuvre controversée' (pdf) reprint de Cahiers pour l'histoire de la recherche, les sciences médicales et biologiques en France 1920-1950, CNRS Editions, 1994. Voir aussi un entretien avec R. Leriche in Sciences & Vie, mai 1955
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Né à Roanne, mais descendant d’une lignée de médecins lyonnais, René Leriche a poursuivi à Lyon ses études médicales en décidant de se spécialiser en chirurgie. Interne en 1902, il devient docteur en médecine (1906) grâce à une thèse sur la résection de l’estomac dans le cancer. En 1913, un séjour aux Etats-Unis suscité par son confrère Alexis Carrel, lui permet de rencontrer les grands chirurgiens américains qui, tel William Halsted de Johns Hopkins U., refusent la virtuosité et la prouesse du geste chirurgical pour prôner une "chirurgie de la douceur". Pendant la Première Guerre mondiale, Leriche opère d’abord sur le front, puis dirige à Paris deux services chirurgicaux militaires. En 1917, le gouvernement français crée près de Reims un hôpital destiné à recevoir en stage les équipes chirurgicales des armées et à les mettre au courant des progrès concernant le traitement des plaies de guerre et la chirurgie réparatrice. Il y perfectionne les techniques de résection du coude et la trépanation. En 1917, il publie deux ouvrages, l’un sur les fractures de guerre diaphysaires et articulaires, l’autre sur le traitement de la douleur. Nommé chirurgien des hôpitaux de Lyon en 1919, Leriche étudie l’hypotension du liquide céphalorachidien, des travaux dont l’importance ne sera admise qu’en 1942, ainsi que le traitement des artérites par la sympathectomie et l’oblitération du carrefour aortique (syndrome de Leriche). Devenu en 1924 titulaire de la chaire de clinique chirurgicale de l’université de Strasbourg, il introduit dans son enseignement comme dans son service la notion de chirurgie non traumatique.S’opposant à la prépondérance de l’école anatomoclinique si développée en France, il montre l’importance des réactions vasomotrices en pathologie, précisant qu’avant d’être anatomique cette dernière doit d'abord être fonctionnelle. C'est pendant son séjour à Strasbourg qu'il développe ses recherches sur la chirurgie du sympathique, la physiologie neurovasculaire et gastrique, l’origine des ulcères et des chondromes, ce qui le conduit à traiter l’angine de poitrine par l’ablation des ganglions stellaires (stellectomie). Chirurgien moderniste, il prône donc l’économie de sang, la légèreté des gestes, le refus d’une opération brillante, mais mutilante en ce qu'elle entraîne souvent un état postopératoire dégradé, tout comme il est obsédé par le problème de la douleur auquel il consacrera d’importants travaux. A partir de 1936, René Leriche supplée le pasteurien Charles Nicolle (prix Nobel 1928 pour ses travaux sur le typhus) à la chaire de médecine expérimentale du Collège de France et en 1939, il y présente sa propre candidature avec le soutien du physicien Paul Langevin, de Gustave Roussy, du dr. Georges Duhamel et de l'historien Lucien Febvre. Mais se présente une difficulté, la chaire de médecine du Collège de France ne dispose d'aucun lit hospitalier et en tant que chirurgien des hôpitaux de Lyon, Leriche ne peut pas exercer à l'Assistance publique de Paris. Revenu à Lyon après l’armistice de 1940, il semble avoir décliné le poste de ministre de la Santé qui lui aurait proposé le maréchal Pétain, mais il accepte de présider l’Ordre national des médecins que vient de créer le régime de Vichy. Cet organisme est destiné à renforcer l'emprise de l'Etat sur l'organisation de la médecine alors que s'instaure un numerus clausus à la faculté et qu'est décidée l'interdiction professionnelle des médecins d'origine juive. A la Libération, son pétainisme lui vaut d'être mis sur la touche des circuits officiels et il devient chef de service à l’Hôpital américain de Neuilly. Arrivé à l'age de la retraite en 1954, il dirige la publication des cahiers d’actualité et de synthèse que l’Encyclopédie françaiseconsacre à 'La Médecine depuis 1940 ' où il expose que la médecine est entrée dans la phase post pasteurienne. "La spécificité des causes et des effets en pathologie a cessé d’être primordiale, dit-il, et c'est désormais à détecter et à guérir les déséquilibres neuro-humoraux qui conditionnent le terrain morbide avec ses composantes chimiques, que le thérapeute doit se vouer".
Bibliographie :
R. Clarke, René Leriche, collection savants du monde entier, Paris, Seghers, 1962
R. Rey, Histoire de la douleur, Paris, La Découverte, 1993