Medarus
Robert-Anselme DEBRÉ
1882-1978
Médecin, pédiatre français
Le professeur Robert Debré, est considéré comme le fondateur de la pédiatrie moderne et des Centres Hospitaliers Universitaires en France.
"Nos enfants, c’est notre éternité." Robert Debré - Ce que je crois
Robert Anselme Debré est né le 7 décembre 1882 à Sedan (Ardennes), son père Simon Debré (1854-1939), écrivain, linguiste et talmudiste renommé, grand rabbin à Neuilly et auteur d'un livre sur "L'humour judéo-alsacien". Issu d’une famille de rabbins alsaciens émigrés après la guerre franco prussienne de 1870, Robert Debré a fait ses études de médecine à Paris réussissant le concours de l’internat en 1906. Il bénéficie, durant ses années d'internat, de l'influence d'Arnold Netter qui contribue à sa formation pédiatrique. Sa thèse de médecine portait sur "le traitement de la méningite cérébro-spinale par le sérum anti-méningococcique" inventé par le docteur Simon Flexner, le patron du "Rockefeller Institute for Medical Research" de New York. Robert Debré se marie le 4 août 1908 à Paris avec Jeanne Debat-Ponsan (1879-1929). Il dut à son mariage de connaître la Touraine, son épouse, de la famille des Debat-Ponsan, ayant pris l'habitude d'y séjourner l'été dans la demeure familiale de Nazelles. Ils eurent deux enfants Michel Debré (1912-1996) homme politique et Olivier Debré (1920-1999) artiste peintre. Après avoir été mobilisé en 1914 comme médecin-lieutenant dans un régiment d'artillerie, à l’armistice de 1918, il est affecté à la direction de l'institut d'hygiène de Strasbourg.
Médecin des hôpitaux en 1920.
Nommé médecin des hôpitaux en 1920, c'est en 1940 qu'il devient chef de service à l'hôpital des Enfants-malades. Au début des années 1920, lorsqu'il prend la succession d’Antonin Marfan à l’Hôpital des Enfants Malades, déjà préoccupé par l'importance du déficit démographique français, il fonde les bases de l'école française de pédiatrie. En travaillant avec le pasteurien Gaston Ramon, il développe la prévention de la rougeole par le sérum de convalescent et il démontre la valeur de la vaccination par l'anatoxine antidiphtérique. Mais son principale sujet de préoccupation est la tuberculose de l'enfance, une maladie dont il démontre avec Marcel Lelong l'inanité d'une transmission héréditaire. Ardent partisan de la vaccination BCG, il mène ses observations sur les réactions immunitaires à la maladie et prône la pratique de répétition de l'épreuve tuberculinique, la cuti réaction découverte par le pédiatre Clemens von Pirquet. Afin de parer aux risques de la contagion mère enfant, il fonde avec son confrère Léon Bernard une œuvre assurant l'élevage des nourrissons à la campagne à l'abri des risques de contagion liés à leur origine familiale. Cette action de santé publique le conduit alors à participer aux travaux du Service d'hygiène de la SDN fondée par le Dr. Ludwig Rajchman dont sortira au lendemain de la seconde guerre mondiale le Fond des Nations Unies de Secours à l'Enfance (UNICEF).
Les années 1945 : l'essor de la recherche médicale française
Le professeur Robert Debré a joué un rôle majeur dans la modernisation de la médecine et de la recherche médicale française. Grand clinicien, il dirigeait depuis les années 1930 le service de pédiatrie de l'hôpital des Enfants malades à Paris, où il avait introduit les premiers laboratoires de recherche en milieu hospitalier. Au lendemain de la guerre, il y installe notamment les laboratoires de Georges Schapira (future unité de recherche 15 de l'Inserm en pathologies moléculaires) et de Jean Frézal (future unité de recherche 12 de l'Inserm de génétique médicale). C'est grâce à lui que l'hôpital des Enfants malades sera le creuset de la biologie et de la génétique moléculaires, avec ces médecins pédiatres de Necker. Robert Debré choisissait délibérément des personnes qui puissent faire le pont entre la clinique et la recherche. Dans un projet de modernisation de la médecine et du système de santé français, qu'il avait déjà élaboré pendant la guerre, il insistait sur le fait que cette indispensable modernisation ne pouvait se faire en dehors de la clinique. En 1946, nommé à la présidence de l'Institut Nationale d'Hygiène (INH), Robert Debré supervise la mise en place d'un "Comité d'études sanitaires de la Sécurité sociale" destiné à financer la recherche médicale et, notamment, l'Institut. La même année, Louis Bugnard, agrégé de médecine et polytechnicien, professeur de biophysique à Toulouse, ancien Rockefeller fellow, en est nommé directeur, succédant à André Chevallier. L'INH est doté d'un conseil scientifique le 18 mai 1946. Simultanément, avec l'aide du gouvernement français et la participation de l'OMS, il installe en 1949 le "Centre international de l'Enfance" (CIE), destiné à former à la pédiatrie sociale les futurs cadres de la santé publique des pays gravement touchés par la guerre ou en voie de développement. Il travaillera au sein de cet organisme sur le BCG avec René Dubos de l'Institut Rockefeller. Cette année là, il est aussi l'un des premiers cliniciens à effectuer des essais thérapeutiques pour évaluer l'usage de la streptomycine dans les soins aux petits tuberculeux.
La recherche à l'hôpital
Robert Debré est également l'homme qui a pressenti le grand virage de la médecine vers la biologie en introduisant la recherche à l'hôpital. Au milieu des années 1930, grâce à l'aide du gouvernement français et au soutien des fondations nord-américaines (Josiah Macy, Rockefeller) il entreprend d'installer des laboratoires à la nouvelle clinique pédiatrique de l'hôpital des Enfants Malades. Comme il le rappelera plus tard dans ses mémoires : " (à l'époque) nous protestions contre cette expression qui n'est que trop significative d’examens complémentaires en laboratoire, comme s'ils étaient un supplément facultatif à l'étude clinique de l'enfant alors qu'ils constituent dans la médecine moderne un examen fondamental" (L'Honneur de vivre). Ces activités scientifiques prendront une remarquable extension au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Par exemple lorsqu'il envoie l'un de ses internes aux Etats-Unis, Alexandre Minkowski, s'initier aux techniques modernes de la périnatalité ou lorsqu' il installe aux Enfants Malades le laboratoire d'un autre de ses internes, Georges Schapira, faisant de la clinique pédiatrique le berceau de la biochimie, puis de la génétique médicale en France. Il épouse en secondes noces Elisabeth de la Panouse (1898-1972), le 11 juillet 1956, à Paris.
Réforme Hospitalo-universitaire
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Robert Debré avait imaginé une profonde refonte du système médical qui verra son aboutissement en 1958 lors du retour au pouvoir du Général de Gaulle. Il a la formidable volonté politique de hisser la recherche et les technologies françaises à leur plus haut niveau. La Cinquième République donnera ainsi une nouvelle impulsion à la modernisation du pays. Quelque peu mis sur la touche par le régime de Vichy du fait de ses origines, il a présidé le Comité national de la Résistance où se discute un ambitieux programme de modernisation du système de santé dont une première conséquence est l’installation d'un grand ministère de la Population et de la Santé à la Libération. En 1954, à l’instigation de Jean Dausset, le gouvernement Mendès France réunit un "Comité interministériel pour la réforme des études médicales" qu’anime Robert Debré. La réforme de la médecine (réforme Debré père et fils!) se concrétise par l'Ordonnance du 30 décembre 1958, relative à la création de centres hospitaliers et universitaires (CHU), à la réforme de l'enseignement médical et au développement de la recherche médicale. Elle instaure la fusion de la faculté de médecine et de la clinique au sein de CHU et crée un corps de professeurs hospitaliers et universitaires plein temps (PU-PH), qui devront assurer, au moins en théorie, la triple fonction de soins, d'enseignement et de recherche. En 1960, la réforme est complétée par un décret qui prévoit de réserver, dans chaque CHU, 50 mètres carrés à la recherche. Il persiste dans cette réforme malgré les campagnes de certains confrères qui lui reprochent "de vouloir faire périr l’élite". En effet, en attaquant les privilèges de la médecine libérale, la réforme Debré a réalisé l’intégration de la Faculté de médecine et du système hospitalier en introduisant dans des "Centres hospitaliers et universitaires" (CHU) le fameux "Bedside teaching by full time practitioners" réalisé par le réformateur Abraham Flexner aux Etats-Unis un demi siècle plus tôt. Il est élu Membre de l'Académie des sciences le 27 février 1961 (section de médecine et chirurgie ; en 1976, section de biologie humaine et sciences médicales). Le 3 mai 1962, Gaston Ramon remet l'épée d'académicien à Robert Debré, lors d'une cérémonie organisée au Centre international de l'enfance (CIE), en présence de plusieurs personnalités dont L. Rajchman. Il est élu Membre de l'Académie nationale de médecine, il était à la fois le collègue et l'ami des professeurs Jean Quénu (1889-1975), Paul Rohmer (1876-1977), Albert Besson (1896-1965) et Jean Dausset.
Pédiatre et chercheur
Professeur de bactériologie puis de clinique médicale des enfants à la faculté de médecine de Paris, il publia d'importants travaux sur les maladies infantiles, l'immunologie et l'hygiène. Il fit de son service de clinique à l'Hôpital des Enfants Malades à Paris, un centre de renommée mondiale. Il est considéré comme le créateur de la pédiatrie moderne et des centres hospitaliers universitaires. Il contribua en Touraine à la transformation de l'asile municipal Gatian de Clocheville en hôpital universitaire pour les nouveau-nés et les enfants. Il a mené le combat, dès 1910, contre la tuberculose enfantine, et préconisé plus tard la vaccination par le B.C.G. mise au point par le docteur Calmette. Ce fut aussi lui qui mit en évidence "la maladie des griffes de chat", entre autres études qu'il mena notamment en sa propriété de Madères, à Vernou, où il reçut nombre de personnalités et rédigea une "Histoire de la médecine au vingtième siècle". Il fit sa dernière allocution publique le 1er novembre 1976, alors agé de 94 ans, à la cérémonie du centenaire du Pr. Paul Rohmer (1876-1977) au grand amphitéatre de la faculté de Médecine de Strasbourg. Il s'éteignit le 29 avril 1978, au Kremlin-Bicêtre, le professeur Jean Bernard lui rendit hommage dans le journal "Le Monde", soulignant qu'il "fut pendant quarante ans, dans le monde, l'un des plus grands, probablement le plus grand pédiatre de son temps. Des centaines, des milliers d'enfants lui doivent la vie, soit qu'il les ait soignés lui-même, soit que ses élèves les aient soignés, soit que ses travaux aient inspiré le traitement salvateur". Inauguré le 21 mars 1988, l'hôpital Robert Debré est mis en service le 2 mai suivant. Son programme médical a pour originalité d'offrir pour la première fois en France un ensemble de disciplines coordonnées autour de la prise en charge de la mère et de l'enfant.
Principaux ouvrages de Robert Debré
- Des Français pour la France (le problème de la Population) par Robert Debré et Alfred Sauvy Editions Gallimard 1946
- Traité de Pathologie Infantile, 1946, par Robert Debré et Paul Rohmer , 2500 pages, 2 volumes
- L'Honneur de vivre, Témoignage Stock/Hermann, 1974
- Ce que je crois, Editions Grasset, 1976