LE PRIX LOUNSBERY AU PROFESSEUR FRANÇOIS MOREL SPÉCIALISTE DU REIN
Le Monde, 17 juin 1980
Le professeur François Morel a reçu, ce lundi 16 juin, à l'Académie des sciences, le prix Richard-Lounsbery 1980. Ce prix a été créé en 1978 en mémoire de M. Lounsbery, industriel américain attaché au développement de l'amitié franco-américaine. Destiné à favoriser la collaboration entre les deux pays en matière de recherche biologique et médicale, ce prix est placé sous la double égide de l'Académie des sciences en France et de la National Academy of sciences aux États-Unis. Les lauréats sont, alternativement, français et américains. Outre le prix proprement dit, il est mis à la disposition du lauréat une somme de 20 000 dollars (80 000 F) pour visiter des laboratoires du pays étranger.
[Né à Genève le 22 février 1923, naturalisé français en 1958, le professeur François Morel est professeur au Collège de France depuis 1966. Docteur en médecine en 1950 (Genève), docteur ès sciences en 1953 (Paris), il fut successivement maître de conférences et chef du laboratoire de physiologie du C.E.A. à Saclay, de 1963 à 1966. Il est aussi l'auteur d'une série de travaux sur le fonctionnement du rein. Ses études ont porté sur les phénomènes de réabsorption tubulaire. Liés aux progrès des connaissant ces concernant les membranes cellulaires, les transports actifs d'ions et la mise au point de microtechniques (les microponctions titulaires), les travaux du professeur Morel ont été consacrés à l'étude expérimentale directe du fonctionnement des tubulures rénaux ira situ et bus mécanismes hormonaux de régulation du phénomène de concentration de l'urine par le rein.]
FRANÇOIS MOREL NOUVEAU PRÉSIDENT DU COMITÉ DES SAGES DE LA RECHERCHE
Le Monde, 5 février 1981
Le Comité consultatif de la recherche scientifique et technique (C.C.R.S.T.), connu sous le nom de " Comité des sages de la recherche ", a désigné, mardi 3 février, son nouveau président. Il s'agit de M. François Morel, professeur au Collège de France, qui succède ainsi à M. Jacques Friedel (le Monde du 3 février). La durée de son mandat, renouvelable une fois, est d'un an. Composé de seize membres nommés par décret et choisis pour leur compétence en matière de recherche scientifique et technique ou en matière économique et sociale, le C.C.R.S.T. a pour rôle de donner des avis sur les grands problèmes de la recherche. Ses membres ont été renouvelés récemment (le Monde daté 28-29 décembre 1980).
[Né le 22 février 1923 à Genève (Suisse), M. François Morel est diplômé de la faculté de médecine de Genève. Après avoir passé un doctorat d'État à la faculté des sciences de Paris (1953), il se fait naturaliser français. Depuis 1948, en effet, il travaillait dans les services du laboratoire d'endocrinologie du professeur Robert Courrier au Collège de France. De 1953 à 1963, il est attaché au service de biologie du Commissariat à l'énergie atomique (C.E.A.), puis, après cette période, devient le chef du laboratoire de physiologie du département de biologie du C.E.A. A partir de 1967, il est directeur du laboratoire de physiologie cellulaire du Collège de France, où il est aussi professeur de physiologie cellulaire. M. François Morel, outre sa carrière de chercheur, a été conseiller technique auprès du directeur de l'enseignement supérieur et membre de diverses commissions, notamment de celle de physiologie au Centre national de la recherche scientifique.]
La moitié des universitaires ne font pas de recherche
Le Comité national d'évaluation, présidé par M. Laurent Schwartz, a publié, mardi 14 octobre, un rapport sévère sur la recherche universitaire en France. Il constate notamment que la moitié des enseignants ne font pratiquement pas de recherche, et critique les méthodes de gestion ainsi que la politique de recrutement du ministère de l'éducation.
Par GÉRARD COURTOIS, LM, 16 octobre 1986
Nous ne serons " ni naïfs ni anodins ", avait prévenu M. Laurent Schwartz, il y a un peu plus d'un an, dès l'installation du Comité national d'évaluation dont il est le président (1). Promesse tenue - et au-delà - si l'on en juge par le rapport sur la recherche et les universités que le comité a rendu public le 14 octobre, en même temps que les résultats d'évaluation des universités de Strasbourg I (Louis-Pasteur) et Pau. En 24 pages cinglantes, c'est à une véritable douche froide que MM. François Morel, professeur au Collège de France, et Bernard Pottier, professeur à Paris-IV, soumettent les universités, le ministère, les grands organismes de recherche et les enseignants chercheurs eux-mêmes. Les deux rapporteurs prennent deux précautions liminaires qui sont loin d'être de pure forme. Ils précisent qu'ils n'ont pas mené une lourde enquête sur le sujet, mais fait la synthèse des réflexions " très franches " que les treize membres de la Commission, tous chercheurs ou universitaires de renom (lire page 10), ont échangées. D'autre part, ils rappellent fermement leur attachement à l'université comme " lieu privilégié de recherche " et le rôle " irremplaçable " des grands organismes (CNRS, INSERM, etc.) dans le développement d'une recherche universitaire de qualité. Au moment où lesdits organismes sont l'objet d'attaques vigoureuses, ce coup de chapeau sans ambiguïté évite que l'analyse très sévère du Comité d'évaluation soit " récupérée " ou mal interprétée.
Car le constat dressé est brutal. " Un certain nombre d'entraves viennent compromettre et paralyser progressivement l'activité de recherche dans l'Université, en particulier dans les grandes universités scientifiques et dans certains centres d'excellence. ". Et le Comité d'évaluation pointe les responsabilités à tous les niveaux. Dans les universités où les structures actuelles et la multiplication des conseils " ont conduit dans la majorité des cas à une déresponsabilisation généralisée, la prise en compte d'intérêts catégoriels ou de démagogies corporatives se substituant à l'élaboration collective d'une politique scientifique de l'établissement ". Le ministère est épinglé sans plus de complaisance : sa gestion " centralisée et uniforme " des universités, sur la base de normes quantitatives, " a eu pour résultat sinon même pour objectif, de développer les premiers cycles, le technique et les petites universités au préjudice des grandes universités où se fait beaucoup de recherche ". En outre " l'absence de tout critère reconnaissant l'activité de recherche ou récompensant la qualité lors de la répartition des moyens budgétaires, a eu des conséquences matérielles et psychologiques très négatives " et décourage bon nombre d'équipes de recherche. Le rapport ajoute que ce contexte a suscité la constitution " regrettable " d'une population de chercheurs à " plein temps ", ne participant plus à l'enseignement et coupés du monde universitaire.
Impérialisme quotidien
Les grands organismes de recherche ont eux aussi leur part de responsabilité. La tendance, par exemple, de la direction du CNRS à vouloir " infléchir et orienter les thèmes de recherche, encourage le conformisme au détriment de l'originalité ". Mais c'est surtout une sorte d'impérialisme quotidien que le rapport reproche aux organismes de recherche, tentés de plus en plus souvent, " d'intervenir directement dans l'activité des laboratoires et de vouloir tout diriger dans le détail ", au risque de satelliser les universités. Enfin les quelque quarante cinq mille " enseignants-chercheurs " du supérieur reçoivent une véritable volée de bois vert. " Pour environ vingt mille d'entre eux, leur activité de recherche est attestée " par leur rattachement à un laboratoire (reconnu ou recommandé). Bon nombre d'universitaires en revanche " se retrouvent dans les laboratoires B2 dont le recensement, l'évaluation ou le contrôle ne semblent guère exister dans la majorité des cas, même au sein de l'établissement ". Quant à la qualité de ces recherches, elle paraît bien peu convaincante au comité d'évaluation, " sauf notables exceptions ". Reste les chercheurs individuels qui, dans certaines disciplines, peuvent avoir une production reconnue. " Mais dans de nombreux cas, cette activité n'est pas autre chose qu'un alibi. " Cette situation, précise le Comité, n'est pas propre à la France. Aux États-Unis ou en Grande-Bretagne on estime à 40 % environ les chercheurs fantômes ou n'ayant pas une production d'une qualité reconnue. Mais ce qui est particulier dans le système français " c'est le statut même des " enseignants chercheurs " qui présuppose une activité de recherche de la part de tous ceux qui y sont assujettis. Il est légitime de s'interroger sur l'opportunité de pérenniser un statut équivoque dès lors que l'activité de recherche n'est qu'une fiction pour près de la moitié d'entre eux ".
Recrutement régulier
Cet état des lieux dressé, le Comité d'évaluation formule un certain nombre de recommandations qui permettraient, à ces yeux, de décoincer un système de plus en plus paralysé.
Premier point : une politique de recherche efficace, à l'Université comme ailleurs, a besoin de continuité. Or la recherche à l'Université subit, depuis vingt ans, des à-coups dans sa politique de financement et de recrutement qu'expliquent largement les blocages actuels : on a embauché à tour de bras et sans être assez regardant sur la qualité pour faire face à la vague démographique qui a submergé les universités entre 1960 et 1975, puis on a fermé les vannes au moment où arrivaient sur le marché des jeunes chercheurs de haut niveau. Le Comité estime donc qu'un " flux régulier de recrutement doit être absolument garanti : par grandes disciplines, le taux de renouvellement ne devrait pas être inférieur à 2 % par an, ni supérieur à 6 % ", quelles que soient les circonstances.
Deuxième proposition de nature à lever l'équivoque du statut des enseignants chercheurs : " Le président de l'université doit disposer du pouvoir de moduler périodiquement les services des enseignants, sur proposition des conseils d'UFR et en fonction des résultats de l'évaluation de leur activité de recherche ". En outre, la prime de recherche - même symbolique, comme c'est le cas actuellement - devrait être répartie en tenant compte de l'activité réelle de recherche de chacun des enseignants-chercheurs. Cela suppose le développement d'un système reconnu d'évaluation des travaux de recherche au niveau national.
Dernier point : une véritable politique scientifique implique que les universités disposent de davantage d'autonomie, notamment financière. Le minimum, estime le Comité, serait que chaque établissement puisse gérer ses ressources propres (droit d'inscription, taxe d'apprentissage, contrat de recherche, formation continue, financement des collectivités locales), " avec des modalités qui soient différentes de celles qui règlent la gestion des crédits publics ".
On avait tellement perdu l'habitude, dans le monde universitaire, d'appeler un chat un chat, que ce rapport du Comité d'évaluation prend des allures de pavé dans la mare.
(1) Ce Comité a été créé, en 1985, à la demande de M. Mitterrand. Son rôle essentiel est d'apprécier l'activité d'enseignement et de recherche de tous les établissements d'enseignement supérieur.