La mort de Robert de Vernejoul
Le professeur Robert de Vernejoul, membre de l'Institut (Académie des sciences) et membre de l'Académie nationale de médecine, est mort dans la nuit du mercredi 14 au jeudi 15 octobre, à l'âge de cent deux ans, à son domicile marseillais (le Monde du 16 octobre). Spécialiste de la chirurgie cardiaque, il avait notamment fondé en 1955 le centre de chirurgie cardiaque Cantini à Marseille, qu'il avait dirigé jusqu'en 1963. Il avait été président du conseil national de l'ordre des médecins de 1956 à 1970.
Le Monde, 17 octobre 1992
Lorsqu'on lui demandait de définir le thème de son oeuvre, il y a quelques années, Robert de Vernejoul répondait : " Soulager et guérir. " Puis, après un temps, " la recherche en chirurgie cardiaque ". Pour ce technicien de grande classe, qui contribua hautement au développement européen de la difficile chirurgie cardio-vasculaire, la tâche du médecin n'avait de sens, en effet, que par le service qu'il pouvait rendre à ses malades. L'atténuation de la peine des hommes, le partage de leur souffrance furent le moteur essentiel d'une vocation qui a incité le très jeune Auvergnat qu'était le baron Robert de Vernejoul à entreprendre à Paris et à Marseille des études de médecine. Il fonde, en 1955, le centre de chirurgie cardiaque Cantini à Marseille et le dirige durant dix ans. Le fait que ce soit à Marseille qu'ait été opéré en novembre 1968 et qu'ait vécu le doyen des greffés du coeur, M. Vitria, n'est, à ce titre, certes pas un hasard. Membre et ancien président de toutes les académies, de médecine, de chrirugie, des sciences, Robert de Vernejoul devient en 1956 président du conseil national de l'ordre des médecins, et il en reste le président d'honneur jusqu'en 1970.
Président du haut comité médical de la Sécurité sociale, ancien membre du Conseil économique et social, membre du conseil de l'ordre de la Légion d'honneur (il était grand-croix de cet ordre), le chirurgien bienveillant qui, durant quatorze ans, fut le garant de la dignité, de la moralité et de l'indépendance de la médecine, eut à affronter un certain nombre de tempêtes, dont celle de 1968. Dont aussi les missions diverses qui le conduisirent, à la demande de l'Elysée, en Algérie notamment. " Mieux mourir que se ternir ". Telle était la fière devise de l'un des hommes les plus droits, les plus généreux, les plus dévoués qu'ait comptés la médecine française. Actif presque jusqu'au terme de son existence, Robert de Vernejoul aura, durant un siècle, défendu la bonté, cette bonté qu'il tenait pour la plus haute des vertus, cette bonté qui désarmait jusqu'aux plus actifs opposants de l'ordre qu'il incarnait. [Né le 19 mars 1890 à Montcaret (Dordogne), Robert de Vernejoul a fait ses études secondaires au lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, avant de commencer ses études de médecine à Marseille, qu'il termina à Paris. Devenu chirurgien des hôpitaux, il fut, jusqu'en 1963, titulaire de la chaire de clinique chirurgicale et chirurgie expérimentale à la faculté de Marseille. Il en était, depuis, professeur honoraire.
Avant la dernière guerre, le docteur de Vernejoul s'était orienté vers la chirurgie digestive. Mais, avec les progrès des techniques chirurgicales, un champ nouveau s'était alors ouvert à lui : la chirurgie cardiaque. Après la Libération, il partit pour les Etats-Unis pour mieux connaître les travaux américains en ce domaine. Il fonda alors, à la faculté de Marseille, un laboratoire de chirurgie expérimentale, puis, en 1955, le centre de chirurgie cardiaque Cantini, _ qu'il dirigea jusqu'en 1963, _ dans lequel furent réalisées plus tard les premières greffes cardiaques françaises. Robert de Vernejoul était aussi enseignant. Il avait fondé la première école de chirurgie française, réservée aux internes, et avait obtenu la création d'un certificat d'études spéciales de chirurgie.
Il assura pendant près de vingt-cinq ans, la présidence du conseil national de l'ordre des médecins. Pendant son mandat, il s'était tout spécialement occupé de la réforme de la Sécurité sociale, de la réforme hospitalière, et de celles des études médicales. Il avait aussi contribué à l'élaboration d'un enseignement médical continu, et multiplié les actions pour obtenir le rétablissement du ministère de la santé publique, et pour faire modifier l'article 63 du code pénal. Il fut président du haut comité médical de la Sécurité sociale, membre du Conseil économique et social de 1959 à 1974. En 1965, il était devenu membre du conseil de l'ordre de la Légion d'honneur, et membre des comités des programmes de radio et de télévision à l'ORTF, et, en 1973, membre du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. Membre de l'Institut, le professeur de Vernejoul était aussi membre des académies des sciences, de médecine et de chirurgie. Il était grand-croix de la Légion d'honneur.]