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Voir un entretien avec le pr. A. Boué le 16 janvier 2001 (S. Mouchet, J-F. Picard)
André Boué est né le 19 janvier 1925 à Cherbourg. Il a mené ses études secondaires au lycée Victor Grignard de Cherbourg et ses études supérieures à la faculté de médecine de Paris.
Externe des hôpitaux de Paris (1945).
Docteur en médecine (1950).
André Boué part pour Téhéran où il monte un service de réanimation (1950-1958). Il travaille également à l'Institut Pasteur de Téhéran en tant que chef de laboratoire (1950-1953) et chef de service (1954-1958).
Responsable d'une partie du laboratoire de Longchamp au Centre international de l'enfance (1958-1963).
Attaché de recherche au CNRS (1960), chargé de recherche (1962), maître de recherche (1966-1970).
Visiting Scientist au Wistar Institute à Philadelphie (1963-1964) où il travaille dans le laboratoire qui avait lancé le premier système de cultures de cellules humaines destinées à fabriquer des vaccins.
Certificat de statistique épidémiologique (1966).
Maître de conférence agrégé, université de la faculté de médecine Paris Ouest, université René Descartes - Paris V (1970).
Chef de service de microbiologie, hôpital Ambroise Paré (1970-1990).
Professeur des universités (1980-1993), professeur émérite.
Directeur de l'unité 73 de l'Inserm « Biologie prénatale » (1974-1985) , devenue « Génétique et pathologies fœtales » (1986-1993).
Membre du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (1983-2000).
Le parcours d'André Boué, quoique très atypique, est, en fait, d'une grande cohérence. En 1950, passionné par la réanimation médicale, André Boué décide de ne pas passer le concours de l'internat des hôpitaux et de partir pour Téhéran où il monte un service de réanimation et travaille sur les groupes sanguins. Il restera huit ans en Iran. Parallèlement, il travaille à l'Institut Pasteur de Téhéran dirigé par Marcel Balthazar où il s'initie aux techniques de culture cellulaire, qui vont constituer le fondement de la biologie moléculaire des années qui suivront. André Boué est le premier à avoir cultivé le virus de la variole, ce qui lui permet de produire la vaccine destinée à lutter contre cette affection.
Institut Pasteur de Téhéran
Rentré en France en 1958, il rencontre Robert Debré qui lui confie la responsabilité d'une partie du laboratoire de Longchamp, au Centre international de l'enfance, où il travaille sur le virus de la poliomyélite. Très intéressé par l'épidémiologie, il obtient un certificat de statistique épidémiologique en 1966. André Boué et son premier collaborateur, Philippe Lazar , jeune polytechnicien de l'Institut national d'hygiène (INH) , évaluent la possibilité d'arrêter une épidémie de poliomyélite, en vaccinant la population de Saint-Brieuc par le vaccin vivant Sabin, alors encore à l'essai. Soutenus dans cette initiative par Eugène Aujaleu à la Direction générale de la santé et par Robert Debré, ils parviennent ainsi, en 1962, à stopper l'épidémie. En 1963, il part à Philadelphie où il travaille dans le laboratoire qui avait lancé le premier système de cultures de cellules humaines destinées à fabriquer des vaccins. A son retour, André Boué est l'un des rares scientifiques à savoir cultiver les cellules humaines. André Boué et ses collaborateurs s'intéressent ensuite à la virologie, notamment, au virus de la rubéole, avec la mise au point de techniques de diagnostic. Ils parviennent à comprendre que l'affection ne survient qu'au cours de l'infection primaire et démontrent que la réinfection est sans danger pour l'embryon. Décidé ensuite à étudier les malformations congénitales, il convainc Robert Debré de s'intéresser au phénomène des avortements spontanés. André Boué et ses collaborateurs sont les premiers, au plan mondial, à mener des recherches dans ce champ (cultures cellulaires de tissus d'avortement, études cytogénétiques, statistiques, démographiques). André Boué étudie le rôle des anomalies chromosomiques dans les arrêts précoces du développement. Il mène ses travaux sur les anomalies de structure chromosomique, notamment, avec son épouse Joëlle Boué, cytogénéticienne. Tous deux sont à l'origine d'une des études mondiales les plus importantes réalisée sur le sujet. Avec leur équipe, ils confirment d'abord les données des démographes selon lesquelles une conception sur trois parvient à son terme. En utilisant la culture cellulaire et l'analyse chromosomique de cellules embryonnaires et fœtales, ils montrent, ensuite, que deux tiers des conceptions qui n'arrivent pas à terme sont en rapport avec une anomalie chromosomique.
André et Joëlle Boué
À partir des années 1970, très logiquement, André Boué et ses collaborateurs vont travailler sur le diagnostic prénatal et le développement. La maîtrise des techniques de cytogénétique et l'accès au liquide amniotique leur permettent de mettre au point le diagnostic prénatal. Ils passent ainsi d'une recherche fondamentale, la mise en évidence d'anomalies chromosomiques létales pour le fœtus, à une application médicale diagnostique des anomalies chromosomiques allant à terme. Ne se limitant pas à l'analyse cytogénétique, André Boué et sont équipe réalisent, parallèlement, un travail très important sur la biologie du fœtus intégrant cytogénétique, biochimie puis biologie moléculaire. Avec l'apport de l'étude biochimique du liquide amniotique, André Boué crée et décrit une véritable médecine du fœtus et diagnostique de nombreuses affections prénatales (anomalies chromosomiques, malformations, maladies héréditaires monogéniques). Avec ses collaborateurs, il travaille ainsi sur le diagnostic prénatal de la mucoviscidose. En 1986, dans une étude portant sur 200 grossesses, ils montrent que leur méthode de diagnostic prénatal de la mucoviscidose, qui repose sur l'analyse enzymatique (gamma-glutamyl-transpeptidase, aminopeptidase M, phosphatase alcaline) du liquide amniotique durant le second trimestre de la grossesse, est fiable dans 98 % des cas. Ils utilisent ensuite les outils de la génétique moléculaire, notamment, les polymorphismes associés au gène responsable, ce qui conduit à l'identification de nombreuses mutations. André Boué et ses collaborateurs étudient également de très nombreuses familles atteintes du syndrome de l'X fragile, permettant ainsi à Jean-Louis Mandel et ses collaborateurs, à Strasbourg, d'en découvrir le mécanisme génétique.
Instances scientifiques
Président du conseil scientifique de l'UER Paris-Ouest (1970-1973).
Membre du comité de l'action complémentaire coordonnée « Biologie de la reproduction et du développement » (1971-1980), puis président de l'action concertée « Programme et erreurs du développement embryonnaire » (1980-1982) à la DGRST (Délégation générale pour la recherche scientifique et technique). Membre de la commission scientifique spécialisée de l'Inserm « Reproduction et développement, glandes endocrines, tissus calciques et articulations : physiologie, physiopathologie, pharmacologie, toxicologie, chirurgie, épidémiologie » (1974-1979) . Membre de la commission « Physiologie » du CNRS (1980).
Prix - Distinctions
Médaille d'argent du CNRS, conjointement avec Joëlle Boué, son épouse (1968).
Prix de la recherche de la Fondation AGF - Institut de France avec Joëlle Boué (1984), prix de la recherche et de la santé de l'Institut des sciences de la santé (1988).
Officier de la légion d'honneur (1992).
Travaux scientifiques
Les travaux d'André Boué et de ses collaborateurs ont concerné les domaines de la virologie, des cultures cellulaires et de la biologie prénatale.
André Boué s'est consacré aux infections virales humaines et a mis au point ou perfectionné des techniques de diagnostics virologique et sérologique : isolement sur cultures cellulaires du virus de la variole humaine, identification intratypique des poliovirus sauvages et vaccinaux, diagnostic sérologique de l'infection primaire et des réinfections par le virus de la rubéole et par le cytomégalovirus. André Boué a établi également les bases épidémiologiques de l'application de vaccinations antivirales (poliomyélite, rougeole, rubéole). Il a mis au point, avec son équipe, la production d'anticorps monoclonaux contre les différents poliovirus sauvages et vaccinaux et s'est intéressé au contrôle génétique de l'infection virale de la cellule. Il a ainsi localisé le gène gouvernant la réceptivité au poliovirus sur le chromosome 19 et le gène gouvernant la réceptivité à l'interféron humain sur le chromosome 21. Il s'est également consacré à l'étude des infections virales tératogènes, à l'étude expérimentale de l'action du virus de la rubéole sur la division cellulaire, à la séro-épidémiologie de la rubéole, de la grippe et du cytomégalovirus.
Dans le domaine des cultures cellulaires, André Boué et ses collaborateurs ont mis au point différentes techniques de cultures cellulaires embryonnaires humaines (cellules aneuploïdes, cellules avec déficit enzymatique, cellules fœtales du liquide amniotique). Ils ont développé des méthodes de mesure de la croissance cellulaire et d'obtention de populations cellulaires clonées.
C'est dans le champ de la biologie prénatale qu'André Boué et son épouse, Joelle Boué, se sont illustrés, notamment par l'étude des accidents chromosomiques responsables des échecs de la reproduction (mécanismes des anomalies, épidémiologie, description des phénotypes).
Publications
- Boue A, Boue J. Distribution of blood groups in Iran. Sang 26: 705-13, 1955.
- Baltazard M, Boue A, Siadat H. Research on the behavior of variola virus in tissue cultures. Ann Inst Pasteur (Paris) 94: 560-70, 1958.
- Debre R, Coulon G, Ledourneuf G, Gautier M, Celers J, Drouhet V, Boue A. Use of homotype oral antipoliomyelitic vaccine during an epidemic occurring in France and due to type I poliomyelitis virus. Bull Acad Natl Med 148: 75-86, 1964.
- Boue A, Plotkin SA. Establishment of human diploid embryo cell strains chronically infected by the rubella virus. C R Hebd Seances Acad Sci 259 :255-7, 1964.
- Plotkin SA, Boue A, Boue JG. The in vitro growth of rubella virus in human embryo cells. Am J Epidemiol 81: 71-85, 1965.
- Boue A. Organtype culture permitting the establishment of a diploid cell strain (technic of F. Jensen). Rev Fr Etud Clin Biol 10:1102-4, 1965.
- Boue A, Drouhet V. Type I poliomyelitis epidemic in France and use of homotypic vaccine (Sabin I LSc 2 ab) by oral administration. II. Study of the results of vaccination. Characterization of the virus eliminated by the vaccines. Arch Gesamte Virusforsch 18: 59-71, 1966.
- Boue JG, Boue A. Chromosome aberrations in spontaneous human abortions. CR Acad Sci Hebd Seances Acad Sci D 263: 2054-8, 1966.
- Boue JG, Boue A. Frequency of chromosomal aberrations in spontaneous human abortions. C R Acad Sci Hebd Seances Acad Sci D 269: 283-8, 1969.
- Boue JG, Boue A. Increased frequency of chromosomal anomalies in abortions after induced ovulation. Lancet 1: 679-80, 1973.
- Boue A, Boue J. Chromosome abnormalities and abortion. Basic Life Sci 4: 317-39, 1974.
- Boué J, Boue A, Lazar Ph. Retrospective and prospective epidemiological studies of 1500 kariotyped spontaneous human abortion. Teratology 12: 11-26, 1975.
- Boué J, Philippe E, Giroud A, Boue A. Phenotypic expression of lethal chromosomal anomalies in human abotuses. Teratology 14: 3-20, 1976.
- Boue J, Boue A, Girard S, Thepot F. Prenatal diagnosis of chromosome abnormalities. Three years of experience. Arch Fr Pediatr 33: 653-64, 1976.
- Boue J, Boue A. Prenatal diagnosis in 100 structural rearrangements of the chromosomes. Cytogenet Cell Genet 20: 213-25, 1978.
- Couillin P, Nicolas H, Boue J, Boue A. HLA typing of amniotic-fluid cells applied to prenatal diagnosis of congenital adrenal hyperplasia. Lancet 1: 1076, 1979.
- Couillin P, Boue J, Nicolas H, Cheruy C, Boue A. Prenatal diagnosis of congenital adrenal hyperplasia (21-OH deficiency type) by HLA typing. Prenat Diagn 1: 25-33, 1981.
- Boue A, Gallano P. A collaborative study of the segregation of inherited chromosome structural rearrangements in 1356 prenatal diagnoses. Prenat Diagn 4: 45-67, 1984.
- Boue A, Boué J, Gropp. Cytogenetics of pregnancy wastage. Adv Hum Genet 14, p. 1-59, 1985.
- Boue A, Brock DJ. Prenatal diagnosis of cystic fibrosis. Lancet 2: 47-8, 1985.
- Boue A, Muller F, Nezelof C, Oury JF, Duchatel F, Dumez Y, Aubry MC, Boue J. Prenatal diagnosis in 200 pregnancies with a 1-in-4 risk of cystic fibrosis. Hum Genet 74: 288-97, 1986.
- Serre JL, Taillandier A, Mornet E, Simon-Bouy B, Boue J, Boue A. Nearly 80% of cystic fibrosis heterozygotes and 64% of couples at risk may be detected through a unique screening of four mutations by ASO reverse dot blot. Genomics 11: 1149-51, 1991.
- Tejada I, Mornet E, Biancalana V, Oberle I, Boue J, Mandel JL, Boue A. Direct DNA analysis of fragile X syndrome in Spanish pedigrees. Am J Med Genet 43: 282-90, 1992.
- Boue A L'instabilité chromosomique des premières mitoses blastomériques. Med Sci (Paris) 8: 929-37, 1992.
- Oudet C, Mornet E, Serre JL, Thomas F, Lentes-Zengerling S, Kretz C, Deluchat C, Tejada I, Boue J, Boue A, et al. Linkage disequilibrium between the fragile X mutation and two closely linked CA repeats suggests that fragile X chromosomes are derived from a small number of founder chromosomes. Am J Hum Genet 52 :297-304, 1993.
- Mornet E, Chateau C, Taillandier A, Montagnon M, Simon-Bouy B, Serre JL, Boue A. FRAXAC2 instability. Nat Genet 7: 122-3, 1994.
- Boue A, Boué J, Groop A. Cytogenetics of pregancy westage. Advances in Human Genetics 14: 1-59, 1994.
Ouvrages de formation et de culture scientifique
- Boué A, Thibault C, eds. Les accidents chromosomiques de la reproduction. Colloque Inserm/DGRST/OMS, 12-14 septembre 1973. Editions Inserm, Paris, 1973.
- Boué A ed. Le diagnostic prénatal. Colloque. 3-5 juin 1976, château de Longchamp. Editions Inserm, Paris, 1976.
- Boué A. Développement prénatal normal et pathologique. Flammarion, Paris, 1992.
- Boué A. Médecine prénatale : biologie clinique du fœtus. Flammarion, Paris, 1994.
- Boué A. La médecine du fœtus. Odile Jacob, Paris, 1995.