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Inserm actualités n° 125 mai 1994

Développement normal et pathologique du système immunitaire

Alain Fischer (unité de recherche Inserm 132, hôpital Necker Enfants-malades)

Par son histoire et sa localisation au sein de l'hôpital des Enfants malades, en étroite liaison avec une unité clinique d'immunologie pédiatrique, notre unité de recherche a pour objectif premier l'analyse des déficits immunitaires primitifs. Ce domaine a connu une explosion des connaissances ces trois dernières années, en raison des progrès dans l'appréhension du système immunitaire et du développement des outils de la génétique moléculaire. Ainsi, parmi la soixantaine de déficits immunitaires décrits, pour 15 d'entre eux, le gène responsable a été identifié (dont huit d'entre eux ces deux dernières années). Nous avons notre place dans cette évolution, puisque nous avons montré, en même temps que d'autres, que le déficit de la commutation isotypique des immunoglobulines lié à l'X (syndrome hyper IgM) est dû à des altérations du gène codant pour le ligand de CD 40 exprimé par les lymphocytes T activés. Nous avons également mis en évidence un déficit immunitaire T, lié à des mutations du gène codant pour la sous-unité CD3e du complexe récepteur T/CD3.L'identification de nouveaux gènes responsables de déficits immunitaires, objectif du travail des deux équipes de l’unité "bases moléculaires du développement des lymphocytes T et de ses anomalies" et "interactions lymphocytaires (adhésion, transmission des signaux d'activation)" se poursuit selon trois méthodes : localisation génique (maladie de Chediak-Higashi... ) et éventuellement clonage positionnel ; recherche de gènes candidats ; clonage par complémentation (déficit immunitaire combiné sévère, avec anomalie probable du système recombinase, anomalie du flux calcique). Pour les déficits immunitaires dont le gène est maintenant identifié comme le déficit immunitaire combiné sévère lié à l’X, dû à une anomalie du gène de l'IL2Ry, les travaux se poursuivent selon trois directions : établissement de corrélation génotypes/phénotypes - travaux menés en collaboration au sein d'un réseau européen (action concertée Biomed) sur les déficits immunitaires dont nous sommes coordinateurs ; compréhension du rôle du produit du gène par l'établissement de modèle murin par transgenèse et recombinaison homologue ; recherche thérapeutique essentiellement (développement de la thérapie génique). Ces résultats concourent également à une amélioration du conseil génétique. Le réarrangement des éléments géniques des récepteurs T pour l'antigène constitue l'événement clef de la différenciation lymphocytaire T. La complexité de ce phénomène est analysée à travers l'étude physiologique de la régulation de l'accessibilité de ces locus, la recherche d'anomalies du système recombinase au cours des déficits immunitaires et l'analyse du répertoire d'expression des récepteurs T pour l'antigène dans différentes formes de déficits immunitaires. Nous avons souhaité regrouper au sein d'une même équipe de recherche les approches biochimiques et d'immunologie cellulaire de l'étude des déficits immunitaires et les travaux plus fondamentaux qui concernent la régulation de l'adhésion et de l'activation des lymphocytes T. Dans ce domaine, les résultats acquis ces dernières années concernent la mise en évidence d'un mécanisme inducteur du détachement des lymphocytes T, après contact cellulaire avec les cellules B ou les cellules de Langerhans, qui est sous la dépendance de l'interaction CD4/molécules HLA de classe Il et de la tyrosine kinase Ick associée à CD4. L'analyse des signaux intracellulaires transmis par Ick, après fixation de ligands de la molécule CD4, dont la protéine d'enveloppe de VIH, est l'objectif de ce travail.

Les travaux de recherche de l’équipe "Immunologie de la muqueuse intestinale" portent sur trois thèmes. Le premier est le développement extra-thymique des lymphocytes T au niveau de la muqueuse intestinale ; la mise en évidence de ce phénomène conduit aujourd'hui à en analyser les mécanismes, en utilisant plus particulièrement des modèles de souris transgéniques déficientes en tel ou tel récepteur des lymphocytes T. Ces dernières permettent de chercher à identifier les fonctions et le répertoire d'antigènes reconnus par cette population de lymphocytes intra-épithéliaux. L'intégrine aEbb est spécifiquement exprimée par les lymphocytes associés aux muqueuses. Sa description structurale, son rôle fonctionnel (des anticorps exercent un effet agoniste), son ligand, les protéines associées intracellulaires, sont autant d'objets d'études dans des modèles humains et murins. Les connaissances acquises sur les lymphocytes T de l'intestin devraient se traduire par une meilleure compréhension des mécanismes immunopathologiques de maladies de l'intestin comme les atrophies villositaires graves et rebelles du nourrisson, la maladie cœliaque, ainsi que des rejets de greffe d'intestin. Les collaborations fructueuses établie avec les groupes cliniques de gastroentérologie de l'hôpital Necker créent l'environnement adéquat à la réalisation de cette recherche.

L’équipe « thérapeutiques expérimentales : greffe de moelle osseuse et thérapie génique » travaille dans les axes de recherche suivants qui suivent. Greffe de moelle osseuse. Nous avons validé l'intérêt de l'utilisation in vivo d'un anticorps monoclonal anti-LFA-1 comme moyen de prévention du rejet de greffe de moelle osseuse partiellement incompatible chez des enfants atteints de maladies héréditaires ou, plus récemment, de leucémies. Parallèlement, l’efficacité d'anticorps anti-LFA-1 a été observée dans un modèle murin de greffe de moelle osseuse, mais aussi de greffe de coeur. L'intérêt potentiel de ces observations en clinique nous amène à étudier le mécanisme d'induction de tolérance dans ces systèmes. Des résultats intéressants ont également été obtenus dans un modèle murin de déplétion sélective des lymphocytes T alloréactifs à l'aide d'une immunotoxine anti IL2Ra. Modèle de lymphocytes B EBV induits chez la souris scid. Les patients immunodéprimés développent avec une fréquence non négligeable des syndromes lymphoprolifératifs B induits par le virus d'Epstein-Barr dont la mortalité est élevée. Nous avons montré que l'injection in vivo d'anticorps monoclonaux anti-B peut contrôler cette prolifération dans environ deux cas sur trois. Nous avons développé en parallèle un modèle in vivo de ces proliférations par implantation chez la souris scid, qui permet d'en étudier les caractéristiques (dépendance de la prolifération de cytokines). Il s'agit d'un outil pharmacologique essentiel à la mise au point de nouvelles stratégies thérapeutiques de ces syndromes. Thérapie génique. Les limites de l'allogreffe de moelle osseuse comme traitement des déficits immunitaires nous ont incités à considérer cette approche. Malgré les difficultés actuelles du ciblage des cellules souches hématopoïétiques, nous privilégions le transfert dans ces cellules dans la mesure où son efficacité signifierait guérison.

Nous avons pu entreprendre cette année un essai clinique d'autogreffe de cellules médullaires modifiées chez deux patients atteints de déficit en adénosine désaminase. La réalisation d'essais cliniques nous a incités à mettre en place, un projet de laboratoire d'application humaine de thérapie génique. Ce laboratoire, qui devrait voir le jour fin 1994, sera situé à proximité immédiate de notre unité de recherche. il est conçu en commun avec le groupe de 0 Danos et JM Heard [Laboratoire « Retrovirus et transfert génétique » de l’Institut Pasteur, Paris], et sera intégré à notre institut fédératif de recherche. Il a pour but de rendre possible l'infection des cellules de patients ex vivo dans les conditions de sécurité requises pour les patients et l'environnement, L'identification des gènes responsables du déficit en CD3e et surtout du déficit immunitaire combiné sévère lié à I'X (IL2Ry) (cf. supra) nous a conduit à démarrer un programme de thérapie génique impliquant : la création d’un modèle murin de déficit immunitaire en IL2Ry par transgenèse et recombinaison homologue, puis tentative de correction. D'autres projets viendront suivront très certainement, en fonction du progrès des connaissances des bases génétiques des déficits immunitaires. Grâce à son association avec l'unité clinique d'immunologie, une activité de recherche fructueuse se poursuit sur la transmission maternofoetale de l'infection à VIH. L'analyse d'une cohorte d'enfants nés de mères infectées apporte des informations essentielles sur le taux de transmission et ses paramètres et les thérapeutiques préventives de la transmission virale. Ainsi, l'activité de l'unité, très liée au département de pédiatrie de l'hôpital des Enfants malades, s'insère bien dans l'institut fédératif de recherche « Enfants malades » constitué autour des axes suivants : développement, génétique, immunologie.