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Ludwik Rajchman

Médecin polonais né à Varsovie, le premier novembre 1881, dans une Pologne inexistante, partagée entre les empires d'Autriche-Hongrie, de Prusse et de Russie. Son père, Aleksander, est directeur de la Société philharmonique de Varsovie. Sa mère, Melania, personnalité du mouvement féministe international, est la fille du banquier et mécène, Ludwik Hirszfeld.
1900-1907 Etudes de médecine à Cracovie, où il suit le cours de bactériologie de O. Bujwid. Fonde avec six autres étudiants le Musée social polonais, un centre de documentation sur la condition ouvrière. Participe à des activités pédagogiques secrètes, surtout au sein de l'Association d'éducation urbaine et rurale, dont il est l'un des créateurs. Collabore au Manuel pour autodidactes de S. Michalski. Adhère, vers 1902, au Ruch, une association d'étudiants socialistes, puis en 1905, au PPS (Parti Socialiste Polonais).
1904 Epouse, à Heidelberg, Mlle Maria Blanczyk, étudiante en médecine qui a fuit sa famille, opposée à ce mariage.
1906 Reçu docteur en médecine.
1907-1909 Suit le cours de microbiologie de l'Institut Pasteur (Paris) dans le laboratoire de A. Borrel et fréquente le laboratoire de E. Metchnikoff, où il rencontre C. Levaditi.
1909-1910 Lecteur de microbiologie à l'université Jagellonne de Cracovie.
1910-1913 Se rend à Londres, où il est successivement, chef de laboratoire au Royal Institute of Public Health, chargé de cours au London King's College, et enfin assistant de W. Bulloch à l'Ecole de médecine.
1914-1918 Chargé de recherches expérimentales pour le Medical Research Committee de Grande-Bretagne, il est nommé directeur du Laboratoire central d'études de la dysenterie (Londres), en même temps qu'il est chargé de l'étude des épidémies de grippe espagnole et de poliomyélite.
1919 Quitte Londres pour Varsovie où il fonde, sur le modèle de l'Institut Pasteur, l'Institut central polonais d'épidémiologie (futur Institut national d'hygiène). Puis, en 1923, grâce à l'appui de la Fondation Rockefeller, il crée l'Ecole nationale d'hygiène de Pologne. Il occupe ces deux postes jusqu'en 1931.
1920-1921 L'épidémie de typhus qui ravage la Pologne, pousse L. Rajchman à prendre contact avec la commission des épidémies de la Société des Nations (SDN). Devenu membre de cette commission, il organise avec succès la lutte contre le fléau.
1921 Devient membre de la mission de la SDN dirigée par F. Nansen, qui se rend à Moscou, pour venir en aide à la Russie ravagée par la famine et le typhus.
1921-1939 Nommé directeur de l'Organisation d'hygiène de la SDN. Loin de restreindre la fonction de cet organisme au contrôle de la propagation des maladies infectieuses, il va l'étendre à leur prévention, à la protection des enfants et des invalides, à la lutte contre l'usage des narcotiques. Il met au point le programme d'interchange, qui permet à des chercheurs, comme H. Sparrow, de travailler avec leurs homologues étrangers et d'étudier leurs services de santé respectifs. Il participe à la création de plusieurs commissions dont celle de la standardisation biologique, dirigée par T. Madsen, et celle de la nutrition. C'est l'un des créateurs de la santé publique moderne.
1924 Participe à la création de l'Ecole internationale de Genève, aux côtés de A. Ferrière et E. Rotten (tous deux de l'Institut Rousseau de Genève), de A. Sweetser, W. Rappard (recteur de l'université de Genève), et A. Salter (SDN). Son but est d'apprendre à des élèves de nations différentes à travailler ensemble dans un but commun.
1925-1926 A la demande du Comité d'hygiène de la SDN, visite le Japon, puis la Chine.
1926 Coordonne les rencontres entre l'équipe de Jean Monnet, venue négocier un prêt devant permettre la stabilisation de la monnaie polonaise, et les responsables politiques polonais.
1929 Le gouvernement de Tchang Kaï-chek, manquant d'expérience en matière d'administration sanitaire, demande l'assistance d'un conseil international sanitaire. L. Rajchman pour la SDN, V. G. Heiser pour la Fondation Rockefeller, et A. Newsholme, expert britannique de la santé publique, en sont les trois membres.
1930-1931 Reçoit la délégation technique du conseil de la SDN en Chine.
1935 Sur son initiative, on réunit une conférence mondiale sur la nutrition qui établit, pour la première fois dans l'histoire, un niveau nutritionnel minimal pour le maintien de la santé d'un individu.
1939 Son hostilité à l'Italie mussolinienne et à l'Allemagne nazie, comme ses sympathies pour la République espagnole, le fait aussi qu'il soit juif, lui valent l'inimitié des membres de la SDN qui souhaitent ménager les puissances totalitaires. Il est contraint de quitter la SDN comme plusieurs de ses amis.
1939 Nommé conseiller général du Gouvernement chinois, il institue un programme de santé publique et étend son action aux problèmes de construction de route, d'agriculture, de lutte contre la famine et les inondations.
1939-1940 Soucieux de fédérer les efforts de diverses nations démocratiques dans leur opposition aux régimes totalitaires, il essaie d'organiser, avec l'appui de J. Nehru, une conférence internationale, sous les auspices de la Campagne internationale de la paix, avec comme objectif d'aboutir à une collaboration sino-indienne. A titre officieux, il est chargé, par G. Mandel, ministre des Colonies, de négocier un plan secret de coopération militaire franco-chinois avec le gouvernement de Tchang Kaï-chek. Ses démarches n'aboutissent pas, et Rajchman quitte la Chine pour la France, puis les Etats-Unis, après que l'Allemagne ait envahi la Pologne.
10-12/1939-1941 Nommé par Sikorski délégué pour les affaires humanitaires du Gouvernement polonais en exil, il essaie de convaincre les autorités françaises, anglaises et américaines d'apporter une aide alimentaire aux populations civiles polonaises. La réussite n'est que partielle. Malgré tout, 50.000 enfants polonais peuvent recevoir des vivres, jusqu'en juin 1941. Des différents politiques, tant au sein des responsables polonais que du Département d'Etat américain, le poussent à quitter son poste.
1941-1943 Nommé conseiller à la Banque de Chine, il devient rapidement proche des collaborateurs du président Roosevelt. Obtient en collaboration avec T.V. Soong, ministre des Affaires étrangères du Gouvernement chinois, un prêt de 500 millions de dollars pour la Chine. Devient le directeur officieux du China Defense Supplies, dont il démissionne après la mise à l'écart de Soong.
1942 Envisage la création d'un brain trust international, composé entre autres de Charles de Gaulle, T.V. Soong, W. Sikorski, pour fournir à toutes les nations unies combattantes de l'expérience et du talent, et la mise sur pied d'une armée de l'air internationale.
1944-1945 Cofondateur de l'UNRAA, organisme provisoire, chargé d'organiser les secours aux populations et la reconstruction des régions dévastées par la guerre. Il y représente le nouveau Gouvernement polonais en 1945.
1945-1946 Nommé président de la Mission économique de la République populaire de Pologne aux Etats-Unis.
1946-1950 L'UNRAA a paré au plus urgent mais plusieurs millions d'enfants restent à l'abandon. Avec des responsables de l'ONU comme H. Laugier ou M. Pate, de médecins comme R. Debré, et avec l'appui de Herbert Hoover (ancien président des Etats-Unis, 1928-1932), L. Rajchman obtient un fonds spécial pour venir en aide à ces enfants. L'UNICEF, Fonds international des Nations Unies pour le secours aux enfants, voit ainsi le jour le 11/12/1946. L. Rajchman en devient le premier président. Il oriente l'activité de l'UNICEF vers quatre thèmes majeurs : aide à la distribution d'antibiotiques (lutte contre la syphilis) et de DDT (lutte contre le typhus) ; aide à la distribution et à la production de lait en poudre maternel ; campagne de vaccinations antituberculeuses par le BCG.
1950 La guerre froide se radicalise. A l'est, L. Rajchman est suspecté d'être un agent pro-américain et se voit retirer son passeport diplomatique par les dirigeants de la République populaire de Pologne. Il ne récupère ses papiers, qu'après la mort de Staline, en 1956. Aux Etats-Unis, les milieux maccartistes l'accusent d'être un espion communiste et en 1957, alors qu'il se trouve à New York, il doit regagner précipitamment la France pour échapper à un procès.
1950-1965 Fonde avec R. Debré le Centre international de l'Enfance, à Paris, destiné à former à la pédiatrie sociale les futurs cadres de la santé publique des pays gravement touchés par la guerre ou en voie de développement.
1955 Vice-président du Centre international de l'Enfance, il organise, en collaboration avec l'Institut Pasteur (J. Tréfouël ) et l'Institut d'hygiène de Varsovie, un symposium franco-polonais sur la bactériologie. Le symposium a lieu à l'Institut Pasteur (Paris) et fait l'objet d'un numéro spécial (décembre 1956) des "Annales de l'Institut Pasteur".
Commandeur de la Légion d'Honneur.
03/05/1962 Participe à la cérémonie de remise d'épée d'académicien de R. Debré par G. Ramon, organisée au Centre international de l'enfance (CIE).
1965 Décès à Chenu (Sarthe). J. Monnet et R. Debré prononcent un discours lors de ses obsèques.

D'après M. Balinska

Références bibliographiques :
- Balinska (Marta), "Une vie pour l'humanitaire - Ludwik Rajchman (1881-1965)", "L'espace de l'Histoire", La Découverte, 1995, 398 p.
- Debré (Robert), "Ludwik Rajchman (1881-1965)", "Centre international de l'Enfance", vol. XV, n° 9, 1965, pp. 689-692.
Service des Archives de l'Institut Pasteur